samedi 4 février 2017

AMOURS SAUVAGES




           Moment d'apparente complicité avec Tilikum.


         La célèbre orque épaulard Tilikum a succombé le 6 janvier 2017 des suites d'une infection pulmonaire bactérienne. L'animal avait défrayé la chronique de manière dramatique en ayant causé la mort de trois personnes en différentes occasions, la dernière fois en tuant Dawn BRANCHEAU au parc Sea World de Miami le 24 février 2010. Alors qu'elle effectuait une prestation avec son partenaire, la dresseuse avait été entraînée sous l'eau et l'animal l'avait brutalement empêchée d'en sortir par des coups redoublés, la malheureuse se noyant devant un public horrifié. La direction de Sea World tenta de rendre la jeune femme responsable de la tragédie, en laissant d'abord entendre qu'elle avait glissé d'elle-même, puis en prétendant qu'elle portait des cheveux trop longs, le cétacé étant censé l'avoir entraînée en la tirant par sa queue de cheval. Le même animal avait en 1991 tué dans les mêmes circonstances, avec le concours de deux femelles, une jeune soigneuse de 20 ans dans un autre parc aquatique au Canada, l'étudiante en biologie Keltie Lee BYRNE. Si, dans les deux cas, il y'a eu débat sur le point d'établir si la soigneuse avait perdu l'équilibre ou bien si le cétacé l'avait poussée délibérément, il est établi que le grand mâle n'a laissé aucune chance à ses victimes. L'animal est également impliqué dans le décès en 1999 d'un homme qui s'était introduit nuitamment dans son bassin pour nager à ses côtés, Daniel P. BURKES, et qui a été retrouvé mort reposant sur son dos avec des traces de morsure. Le maintien de l'animal dans le programme de représentation avait entraîné la crainte de la survenue d'une nouvelle tragédie. 

          La dernière victime, âgée de 40 ans, Dawn BRANCHEAU, était pourtant une dresseuse particulièrement expérimentée. Ayant assisté à l'âge de 9 ans à un spectacle d'orques, elle avait par la suite pu réaliser son rêve de travailler avec ces animaux. Il n'est pas douteux, quelque soit l'opinion qu'on peut avoir au sujet de ce type de manifestations et sans méconnaître les troubles qui peuvent être imputables à la captivité de cétacés et à leur longévité souvent écourtée, qu'elle était sincèrement attachée à ces mammifères marins et qu'elle avait apparemment établi avec eux une vraie complicité. Les orques étant des animaux très intelligents, il paraît un peu difficile de croire que les tragédies causées par Tilikum soient simplement accidentelles; l'animal avait fait preuve d'une grande violence ayant entraîné de multiples contusions chez Dawn BRANCHEAU, et Keltie Lee BYRNE avait fini par être écrasée contre la paroi du bassin après dix minutes insupportables, ses cris de terreur n'ayant en rien dissuadé les épaulards d'achever leur sinistre besogne. Bien que les victimes n'aient jamais été dévorées par leur agresseur, ce comportement rappelle la méthode de chasse de ces animaux qui affectionnent de jouer avec leur proie jusqu'à ce que celle-ci périsse d'épuisement (ce qui inciterait à penser que la cruauté vient avec la sophistication). Tilikum a en tout cas tristement démontré qu'il n'avait rien d'un animal familier en lequel on puisse avoir confiance. On reproche parfois aux défenseurs des animaux un attachement irréfléchi; cependant, tout comme son amie Brigitte BARDOT, créatrice de la fondation portant son nom qui a toujours affirmé qu'il valait mieux s'occuper des nombreux chiens abandonnés que de s'acharner à empêcher la mise à mort d'un molosse ayant démontré sa férocité, le célèbre défenseur des cétacés Paul WATSON avait déclaré qu'au vu de ses antécédents, il aurait pu être éventuellement envisagé de relâcher l'animal (bien celui-ci vive en captivité depuis l'âge de deux ans) mais que cela ne le choquerait pas que l'on euthanasie l'animal, jugeant en tout cas incompréhensible qu'on lui ait permis de tuer à plusieurs reprises au sein d'un parc aquatique, et beaucoup redoutaient la survenue d'un nouveau drame. La famille de Dawn BRANCHEAU assura pour sa part que la victime n'aurait pas voulu qu'on fasse de mal à Tilikum. La mansuétude de la famille de Dawn BRANCHEAU rappelle dans un cadre très différent la clémence des magiciens Roy HORN et Siegfried FISCHBACHER alors que le premier a été grièvement blessé lors d'une représentation de leur spectacle à Las Vegas par le Tigre blanc avec lequel ils travaillent. Les prestidigitateurs arguèrent qu'il ne s'agissait que d'un accident et nullement d'une attaque, et ont décidé de reprendre leur partenaire.

Les trois personnes tuées par Tilikum, de gauche à droite : Keltie Lee BYRNE, Daniel P. BURKES et Dawn BRANCHEAU.

                     Il semble en fait que les accidents causés dans les parcs d'attraction par ces puissants animaux ne soient pas rares, mais ils aboutissent rarement à de tels drames - bien qu'un autre dresseur nommé Jonathan SMITH semble avoir fait l'objet d'une tentative de noyade par des orques - alors qu'à la différence des dompteurs de cirque, les dresseurs n'utilisent pas de fouet durant les démonstrations, étant alors complètement à la merci de leurs partenaires marins. Il s'est en tout cas avéré que Tilikum était un animal dangereux, demeurant partiellement sauvage, qui aurait du ne plus être employé qu'à la reproduction. Il importerait également que des mesures de sécurité soient dorénavant impérativement adoptées pour limiter les risques tant que ce genre de spectacle est maintenu, telles que l'installation d'une aire de refuge dans le bassin, l'agencement d'un dispositif permettant de sortir facilement de l'eau (qui aurait peut-être offert une chance de survie à Keltie Lee BYRNE), la pose d'un câble avec treuil permettant de haler un dresseur en n'importe quel point du bassin, et une équipe de soigneurs prêts à intervenir, équipés avec un répulsif ou un autre procédé permettant d'éloigner l'agresseur en tout dernier recours. Préalablement, il est indispensable de n'utiliser pour les spectacles que les animaux les plus sociables, qui ne présentent pas de propension particulière à l'agressivité, en retenant essentiellement ceux nés en captivité qui ont pu développer avec l'homme une complicité avérée. Par ailleurs, le bien-être des animaux devrait être une priorité; il conviendrait que des représentants d'association de protection animale et des spécialistes du comportement soient associés à la gestion des mammifères marins captifs, afin de déterminer s'il est possible d'en disposer avec le moins de traumatisme possible ; on pourrait par exemple imaginer un aménagement permettant à ceux-ci de demeurer la plupart du temps en semi-liberté, veiller à respecter autant que possible leur organisation sociale, utiliser les produits détergents les moins nocifs pour le nettoyage des bassins et bien rincer ceux-ci avant réintégration des animaux, déterminer les matériaux dont les caractéristiques empêchent une trop importante répercussion des échos émis par le sonar des cétacés susceptible de les incommoder; enfin, comme pour les animaux terrestres des zoos, proscrire les captures traumatisantes en développant un programme pertinent de reproduction des animaux - d'où l'intérêt de Tilikum, à la nombreuse descendance. Les parcs marins confirmeraient par ailleurs leur intérêt sincère pour les cétacés en s'associant aux programmes de protection de ces animaux dans leur milieu naturel.

Un plaidoyer pour la libération des orques dans le film SAUVEZ WILLY

                 L'effroyable décès de Dawn BRANCHEAU avait fait rebondir la controverse sur la présence des cétacés dans les parcs marins, les associations de protection animale considérant que leur captivité n'est pas compatible avec leur bien-être, en raison de l'entrave à la communauté naturelle dans laquelle vivent ces espèces en groupe plus important, de l'exiguïté de leur bassin, notamment pour de gros animaux comme les orques, les bélugas et même les baleines grise, et de la teneur en chore qui irrite leur peau, yeux et muqueuses, ce qui ne les prémunit pas pour autant des affections bactériennes comme celle à laquelle a succombé Tilikum. Le plus choquant reste actuellement le projet de prélèvement de nouveaux animaux dans l'océan pour des parcs en Asie, alors que le principe des zoos est actuellement de faire se reproduire des spécimens déjà en leur possession,mais les règles ne sont pas nécessairement appliquées pour les parcs de loisirs. Au traumatisme pour les animaux d'être retirés de leur milieu naturel s'ajoute les circonstances abominables laissant pour morts certains d'entre eux, comme l'a montré le film ORCA de Michael ANDERSON. Un des participants d'une véritable capture d'orques a d'ailleurs révélé que, bien qu'ayant pris part à de peu honorables actions en Amérique du sud en tant que mercenaire, cet épisode demeure celui de son existence qui lui inspire le plus de honte, comme on peut l'apprendre dans le documentaire Blackfish, l'orque tueuse, à visionner sur le site Vimeo. La Californie a pour sa part, interdit par une loi du 8 octobre 2016 promulguée par le gouverneur démocrate Richard BLOOM la captivité des orques.

L'éprouvante capture dans ORCA, hélas plutôt en dessous de la réalité; le responsable interprété par Richard HARRIS est atteint par le remord et accepte de subir la colère du mâle dont il a fait périr la famille.

                De son côté, le chimpanzé Travis, qui avait tourné dans de nombreuses publicités et autres émissions télévisées, a défiguré atrocement Charla Nash le 16 février 2009 alors qu'elle s'était rendue chez Sandra Herold, détentrice de l'animal. La victime a survécu dans une triste condition tandis que l'anthropoïde a été abattu par la police non sans qu'il ait tenté de s'en prendre à un officier, retournant finalement dans la maison pour mourir à côté de sa cage. Il s'est avéré que l'animal devenait agressif en vieillissant comme il est habituel dans son espèce, et que sa maîtresse lui avait donné le funeste jour un médicament anti-anxiété, le Xanax, qui peut provoquer des toubles extrêmes de comportement. Les chimpanzés étant assez imprévisibles, le cinéma emploie plus volentiers des orangs-outans, beaucoup plus calmes, quitte à les travestir en faisant appel à des maquilleurs spécialistes des animaux comme William Munns (voir la seconde partie de l'article sur les costumes de singes à l'écran). Il est rapporté à cet égard que Manis, l'orang-outan qui a joué aux côtés de Clint Eastwood dans DOUX, DUR ET DINGUE, n'aurait pas été très bien traité par son dresseur et certains l'accusent même d'avoir causé sa mort par des actes de violence.

                Dans les parcs zoologiques, la proximité des animaux avec les humains ne doit pas occulter le fait que ceux-ci demeurent malgré tout davantage des bêtes sauvages que des animaux familiers. En avril 2007, un employé du zoo de Taïwan s'est fait sectionner un bras par un Crocodile; l'issue a été plus heureuse que dans le remake du film LA FÉLINE, qui montrait une scène similaire fatale impliquant une Panthère, le bras de l'infortuné ayant pu être recousu. Les visiteurs ont tout particulièrement une propension à se laisser abuser par l'apparente placidité des animaux. Au zoo de Bâle, un garçonnet ayant pénétré dans un enclos dans l'intention de caresser un bébé rhinocéros aurait été tué par sa mère qui a chargé l'intrus. Plus étonnement, les guépards qui n'attaquent guère l'homme dans le milieu naturel ont tué des enfants dans des zoos français, à Doué-la-Fontaine et à la Palmyre, après être parvenus à forcer les grillages les séparant des visiteurs. En dépit de leur intelligence et de la délicatesse dont ils savent généralement faire preuve, les éléphants peuvent être imprévisibles et tuer à l'occasion leur soigneur, comme au zoo de Zurich dans les années 1940. On pense aussi à un certain nombre d'accidents impliquant notamment des éléphants, souvent occasionnés par les mauvais traitements imputables au dressage dans des cirques ou les exploitations de forestiers en Inde. Il a ainsi été révélé que les bébés éléphants sont torturés dans les pays d'Asie pour leur inspirer la peur de l'homme afin que plus tard ils soient totalement obéissants lorsqu'il s'agit de transporter des touristes sur leur dos, notamment en Thaïlande. Le lecteur pourra trouver davantage de précision sur cette page et regarder la vidéo qui est à déconseiller aux personnes sensibles : http://www.sethetlise.com/article-faire-de-l-elephant-en-thailande-ce-qu-on-cache-aux-touristes-123067764.html. Evidemment, il s'agit là il s'agit là d'une situation bien différente de celle de ceux qui aiment les animaux d'un amour désintéressé quelque soient les risques qu'ils encourent.


L'horrible attaque d'un employé par une panthère noire dans le remake de LA FELINE (CAT PEOPLE).

      A fortiori, l'animal sauvage dans son milieu naturel reste potentiellement dangereux, soit parce que son instinct l'incite, non sans raison, à se méfier de l'homme, mais aussi parce qu'il défend son territoire, ou tout simplement parce qu'il fait partie des prédateurs. C'est habituellement le cas des ours. Du nounours attendrissant créé pour les enfants en souvenir de l'ourson qu'aurait gracié le président américain Theodore ROOSEVELT au prédateur terrifiant du film d'épouvante GRIZZLY en passant par l'ours rusé des contes médiévaux et la figure semi-anthropomorphe qu'il a inspiré dans la culture basque, le Basajaun, l’ambiguïté de l'animal est bien présente dans la culture, et son apparence pataude fait parfois oublier que c'est un carnassier. C'est probablement en oubliant quelque peu cette réalité qu'un étudiant d'origine indienne âgé de 22 ans trouvait la mort dans des circonstances tragiques au sein de la réserve d'Apshawa, dans l'état du New Jersey. Le 21 septembre 2014, Darsh PATEL visitait la réserve avec quelques amis lorsque le groupe a perçu un ours noir. Le jeune homme, enthousiaste, a entrepris de le photographier alors même que l'animal se dirigeait vers lui. L'ursidé a attrapé l'infortuné et entrepris de le dévorer. La police a finalement dû abattre l'animal pour récupérer le corps. Le groupe a tristement méconnu la règle qui nécessite un certain sang-froid, selon laquelle il ne faut pas fuir devant un ours car cela active chez l'omnivore l'instinct du prédateur. Plus récemment, le 28 septembre 2015, furent retrouvés les restes d'une femme de 67 ans, Kay GRAYSON, une solitaire connue pour nourrir les ours en Caroline du Nord avec des cacahuètes et de la nourriture pour chien, que la police suppose avoir été dévorée par des ours noirs. 

       L'imprudence a aussi été fatale à un naturaliste passionné par les grizzlys ainsi qu'à sa compagne. Timothy DEXTER dit Timothy TREADWELL s'était pris de passion pour la protection de ces ours après avoir échappé à une grave overdose dans sa jeunesse. Il passa treize étés en Alaska en compagnie de ces animaux, les côtoyant de très près, malgré la prudence dont il se réclamait. Le non-respect de certaines règles, notamment son installation fixe, lui valut des difficultés avec les responsables de la réserve. L'issue tragique fut précipitée lorsque Timothy TREADWELL et sa compagne Amie HUGHENARD campèrent alors que l'hiver approchait et que les animaux étaient devenus agressifs dans leur quête de nourriture. Il semble que les ours avec lesquels les naturalistes amateurs avaient établi des contacts étaient déjà partis hiberner et que ceux qui ont attaqué le couple étaient des nouveaux venus. Le pilote qui est venu les rechercher a découvert un bien triste spectacle, les deux explorateurs ayant été dévorés par les prédateurs affamés. Le cinéaste Werner HERZOG, réalisateur notamment du remake de NOSFERATU, a consacré un film à cette épopée tragique, GRIZZLY MAN. 


Thimothy TREADWELL

Scène du documentaire de Werner HERZOG qui lui est consacré.

  Un film d'épouvante qui présente l'ours comme un terrifiant prédateur.

Le personnage interprété par Anthony Hopkins vent chèrement sa peau dans A COUTEAUX TIRES (THE EDGE), face à un ours anthrophage, à l'inverse de celui de L'OURS de Jean-Jacques ANNAUD, dans lequel les agresseurs sont des chasseurs.

             Si Dian Fossey a été assassinée pour avoir voulu défendre les gorilles de montagne au Rwanda, Timothy TREADWELL n'est pas le seul passionné ayant accepté de mettre sa vie en jeu au nom de la protection animale qui fut victime de ceux-là mêmes en faveur desquels il s'investissait. On sait que les régions tropicales regorgent d'espèces venimeuses, sans doute parce que le foisonnement de la vie qui y règne a entraîné une concurrence encore plus impitoyable entre espèces. Un naturaliste australien très apprécié, Stephen Robert - dit Steve - IRWIN, qui s'impliquait dans la protection animale, en a fait les frais d'une manière dramatique le 4 septembre 2006 à Batt Reef. Surnommé "Crocodile Hunter", il avait repris le zoo du Queensland créé par ses parents, des naturalistes passionnés par la protection de la faune. Dès l'âge de 9 neuf ans, le jeune Steve, encouragé par son père, un herpétologiste ( zoologiste étudiant les Reptiles ) qui lui avait offert un python de 4 mètres de long pour son sixième anniversaire, affronte son premier crocodile. Il capture ensuite les crocodiles vivant à proximité d'habitations en les transférant dans le parc zoologique et participe au programme initié par son père pour assurer leur protection au Queensland. Il a également à son actif des émissions télévisées de vulgarisation, où il met en scène les animaux avec une manière spectaculaire qui lui est parfois reprochée, mais en ayant toujours pour finalité la protection animale - il avait pour modèle le fameux réalisateur de documentaires animaliers David ATTENBOROUGH. Son engagement offensif en faveur de la protection des baleines le rapproche du célèbre dissident de Greenpeace, fondateur de la Sea Shepherd Conservation Society, Paul WATSON, lequel renommera un navire en son hommage suite à sa disparition, survenue alors qu'une expédition en commun était en préparation. Steve IRWIN avait fondé sa propre association, Wildlife Warriors, investie dans de nombreux projets de protection des guépards en Afrique du sud, des éléphants, tigres et orangs-outans en Asie, ou encore des diables de Tasmanie sérieusement menacés en Océanie (sujet évoqué en juillet 2008 dans "l'étrange extinction des marsupiaux"). Cette entreprise se poursuit au travers de son épouse, Terri, et de sa petite fille Bindi (dénommée ainsi par référence à un spécimen de crocodile marin), devenue son porte-parole. C'est un malheureux concours de circonstances qui a causé le décès brutal de cette personnalité. Le 4 octobre 2006, alors qu'il était en tournage sur la Grande barrière de corail pour le documentaire Ocean's Deadliest ("le plus mortel de l'océan"), Steve IRWIN avait entrepris de tourner une séquence pour une émission présentée par sa petite fille lorsqu'il a reçu dans la poitrine les coups redoublés de l'aiguillon empoisonné d'une Raie pastenague dont il s'était rapproché, dont une au niveau du cœur; il a péri rapidement d'une hémorragie alors qu'il tentait d'extirper l'éperon. Cette tragédie a provoqué une si vive émotion que, dans les semaines qui suivirent, une dizaine de Pastenagues dont la queue avait été coupée furent découvertes sur les plages du Quensland, sans doute victimes d'admirateurs bouleversés; ces actes ont été condamnés par un proche du défunt qui a estimé qu'ils allaient à l'encontre de son engagement pour la défense de la vie sauvage.


Steve IRWIN

Le comédien australien Paul HOGAN dans le rôle de "Crocodile Dundee", inspiré de Steve IRWIN.

        Un autre passionné de reptiles a fait de corps à corps périlleux avec leurs plus redoutables représentants sa passion. L'herpétologiste américain Brady BARR s'est également spécialisé dans la capture de crocodiliens de toutes espèces. Impliqué dans nombre de programmes de protection des reptiles, il est surtout connu du public comme un intrépide explorateur susceptible de faire passer le vrai Indiana Jones pour un aventurier en charentaises, apparaissant dans des documentaires pour la chaîne de télévision National Geographic, notamment la bien nommée Dangerous Encounters. Il capture à main nu les serpents au venin le plus toxique et est revenu victorieux d'un combat sous l'eau avec une grosse femelle anaconda autour du cou, le plus grand serpent vivant, relâchant avec délicatesse le monstre qui avait tenté de l'étouffer. En dépit de rumeurs, Brady BARR est toujours bien vivant, bien qu'une de ses rencontres lui a laissé une vilaine blessure. Souhaitant lui de vaincre encore longtemps la mort qu'il affronte si souvent avec un flegme inénarrable.


Brady BARR et une écharpe improvisée, plus à sa taille que l'anaconda.

         Les rapports entre un homme et un animal sauvage, qui peut être partiellement apprivoisé mais qui demeure cependant toujours régi par l'instinct, sont par nature complexes. Seule une relation basée sur une confiance progressive entre l'animal et son mentor, et une dressage conçu comme une forme de jeu et non comme une contrainte fondée sur la peur et la punition, est capable de déboucher sur une certaine stabilité. Il convient aussi de toujours garder à l'esprit que les rapports avec un animal sauvage puissant ne sont jamais totalement sans risque et qu'en raison de la différence dans les tempéraments, au sein d'une même espèce certains individus se prêtent davantage que d'autres à l'instauration d'une proximité avec l'homme. Sans doute, dans l'idéal, vaudrait-il mieux que les animaux demeurent autant que possible dans l'environnement auquel ils sont adaptés, mais les portions de nature réellement vierges se restreignent de plus en plus, et les animaux présentés au public servent de médiation entre celui-ci et le monde vivant dont il peut être tenté de se détourner de plus en plus au nom du développement. Il reste à espérer qu'une véritable éthique voie le jour dans les parcs animaliers, et que l'étude du comportement animal permette d'appréhender toujours plus finement les réactions de l'animal de manière à ce que celui-ci, aussi bien que les personnes qui en ont la charge, tirent le meilleur parti de cette relation.



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LE PERE PORTEUR DE L'ALIEN DISPARAIT
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        Signalons la disparition du comédien britannique John HURT à l’âge de 77 ans des suites d'un cancer du pancréas le 25 janvier 2017. Les amateurs de films de monstres le connaissaient bien pour son rôle de Kane dans ALIEN de Ridley SCOTT. Dans ce classique de 1979, tiré d'un scénario de Dan O'Bannon, décédé il y'a quelques années (un petit hommage a été rendu à ce dernier en ces pages), il descendait dans la cale d'une épave extraterrestre et, en posant la main sur des œufs géants, était attaqué par une créature qui se fichait sur son visage en s'y agrippant, laquelle qui s'avérait n'être que la forme infestante. L'infortuné explorateur, enfin libéré de l'emprise de la forme de vie étrangère, ne sortait du coma que pour expirer sous la poussée de l'embryon à l'allure de piranha qui avait cru en son organisme et s'arrachait de son hôte pour poursuivre sa croissance et entreprendre de décimer le reste de l'équipage. Il reprendra son rôle dans une séquence parodique de LA FOLLE HISTOIRE DE L'ESPACE (SPACEBALLS) de Mel Brooks en 1987, dans lequel le petit monstre extirpé de son corps se met à exécuter un numéro musical inspiré de Maurice CHEVALLIER..!


 John HURT dans le rôle de Kane, l'explorateur trop téméraire de ALIEN, qui semble réchapper de l'attaque d'un parasite extraterrestre, mais la rémission sera de courte durée.

La réédition parodique dans LA FOLLE HISTOIRE DE L'ESPACE de sa mort d'ALIEN.

           John HURT avait deux ans plus tard été le principal interprète d'un autre film qu'on classe habituellement dans le genre fantastique bien qu'inspiré d'une histoire vraie, THE ELEPHANT MAN de David LYNCH. Dissimulé sous l'impressionnant maquillage agencé par Christopher TUCKER d'après les photos de Joseph, dit John, MERRICK, John HURT avait incarné cet infortuné Britannique affecté par une affection de type neurologique qui avait profondément bouleversé son apparence, en faisant un être repoussant, mais dont le cinéaste et le comédien avaient su parfaitement faire ressortir l'humanité, lors de scènes très touchantes, même si se basant sur les mémoires du chirurgien Frederick TREVES, le film présente une version quelque peu romancée faisant la part belle au médecin présenté comme un bon samaritain, occultant les années durant lesquelles l'"Homme-éléphant" avait poursuivi sa tournée dans les foires au sein des spectacles de monstres, avant de retrouver tardivement celui qui allait devenir son protecteur et qui ignorait jusqu'alors la vraie personnalité de celui qu'il avait considéré comme un simple sujet d'étude dépourvu d'intelligence en raison de son élocution difficile (la scène dans laquelle Anthony Hopkins dans le rôle de Treves affronte ainsi le forain Bytes sous les traits de Freddie Jones, déterminant le destin de "son" patient, est ainsi totalement inventée, tout comme l'évasion organisée par les nains pour le soustraire à Bytes qui est censé l'avoir fait enlever).


John HURT incarnant sous le maquillage de Christopher TUCKER le personnage historique de John MERRICK, restituant toute la délicate candeur de son émouvant modèle pour le film que lui a consacré David LYNCH.

            
       John HURT avait débuté à l'écran en 1962 dans THE WILD AND THE WILLING, et était apparu dans un grand nombre de productions. Dans le genre imaginaire, il avait été le principal interprète du remake de 1984 réalisé l'année du titre par Michael Radford, Winston Smith, poursuivi par le régime de Big Brother pour avoir aimé une femme à rebours des directives du parti unique et, renversement de perspective, était lui-même devenu le dictateur Adam Sutler dans V POUR VENDETTA (V FOR VENDETTA) de James McTEIGUE en 2006. En 1990, il avait été la vedette du dernier film réalisé par le producteur et réalisateur Roger Corman, FRANKENTEIN UNBOUND, dans lequel il incarne Buchanan, un scientifique du futur exalté par l'invention d'une arme météorologique que celle-là propulse dans le passé, l'amenant à rencontrer le Docteur Frankenstein, en lequel il découvre sa propre vanité de chercheur tout puissant ayant négligé les conséquences de ses travaux - quelques années plus tard, Kenneth BRANAGH confronterait à son tour dans la conclusion de son adaptation du roman Mary SHELLEY le capitaine d'une expédition polaire avec le savant trop audacieux, ramenant l'explorateur à plus d'humilité. Dans CONTACT de Robert Zemeckis, John HURT avait en 1997 livré la prestation marquante d'un milliardaire énigmatique, S.R. Hadden, finançant le programme de recherches spatiales qui amenait Ellie (Judith FOSTER) à se confronter avec elle-même. L'acteur était encore apparu dans HELLBOY (2004) et HELLBOY 2: LES LEGIONS D'OR MAUDITES (2008) de Guillermo del TORO dans le rôle du Professeur Trevor Bruttenholm, ainsi que dans la saga Harry Potter, interprétant Monsieur Ollivander dans HARRY POTTER A L'ECOLE DES SORCIERS de Chris Colombus en 2001 puis dans HARRY POTTER ET LES RELIQUES DE LA MORT de Davis YATES en 2010. A la télévision, il avait été le narrateur de l'excellente série MONSTRES ET MERVEILLES de Jim HENSON, introduisant les légendes en conversant avec son chien, une marionnette réaliste, et avait joué un avatar du Docteur Who pour le cinquantième anniversaire de la série anglaise en 2013 dans l'épisode THE DAY OF THE DOCTOR.


John HURT incarnant la victime du totalitarisme de Big Brother dans 1984 (à gauche), puis reprenant le rôle du dictateur omniscient dans V POUR VENDETTA (à droite).


L'impénétrable mécène de CONTACT.

L'hôte de DEMONS ET MERVEILLES et son compagnon qui nous introduisait dans des récits fabuleux issus de nos vieux mythes.


       Marqué par le rôle de THE ELEPHANT MAN, le comédien soutenait depuis 2003 en Angleterre et aux États-Unis la Fondation du Syndrome de Protée, affection supposée être celle dont a pâtit Joseph Merrick, et depuis 2006 le projet Harar intervenant en faveur des enfants éthiopiens souffrant de déformations faciales.



samedi 22 octobre 2016

Keep watching the optic nerve !


          
         
       Le maquilleur John Vulich est décédé dans son sommeil à l’âge de 55 ans le 12 octobre 2016. Il était notamment connu au travers de l’atelier de maquillages spéciaux qu’il avait cofondé, Optic nerve, revendu à son collègue Glen Hattrick (un des juges du concours de maquillage spécial télévisée Face off), et avait plus récemment produit des divertissements pour la Chaîne Disney Channel. Une de ses premières créations avait été sous la direction du célèbre Tom Savini la création du maquillage de Bub, le mort-vivant "domestiqué" du Jour des mort-vivants de George Romero en 1985. Il a beaucoup œuvré sur les productions de Charles Band, contribuant avec John Carl Buechler à donner vie aux petits personnages de Ghoulies en 1984 et Troll en 1986, créant et animant le monstre baveux et pittoresque de la comédie Terrorvision la même année, et prenant part aux effets spéciaux de deux films plus ambitieux, Au-delà de l’au-delà (From beyond), également en 1986, et Les poupées (Dolls) l’année suivante. Au sein de l’équipe de Greg Cannom, il avait participé en 1988 à deux suite, Cocoon, le retour (Cocoon II) et Vampire, vous avez dit Vampire 2 ? (Fright Night 2). En 1989, il fonde son propre studio Optic nerve avec Everett Burrell - mais ce dernier s'en ira en août 1995 pour se consacrer aux trucages virtuels, contribuant notamment à la série Hercule, alors qu'après avoir lui aussi démontré quelque intérêt à l'endroit des images créées par ordinateur, il choisira de rester fidèle à l'art du maquillage, exactement comme Steve JOHNSON. Il est dans ce cadre engagé pour concevoir le personnage d'un personnage mystérieux et celui ressuscité de Clara, la fiancée apparemment revenue de la mort - Bart Mixon concevant quant à lui son extrémité inférieure tentaculaire - pour Necronomicon en 1993. John Vulich aura aussi beaucoup participé à la conception de maquillages spéciaux pour la télévision, La malédiction du loup-garou en 1987-1988, puis plus d’une quarantaine d’épisodes de Buffy contre les vampires, une vingtaine de la série dérivée Angel, une trentaine d’épisodes d’Aux frontières du réel (The X-Files), de 86 de Babylon 5 ainsi que d'un épisode de Star trek : new voyage. Son travail pour la télévision lui avait valu de recevoir trois emmy awards.

John VULICH au travail pour Tom SAVINI sur un maquillage du JOUR DES MORTS-VIVANTS de George ROMERO, qui marque ses débuts professionnels.


Bub, un mort-vivant qui connaît la musique - mais il ne faut pas oublier de le nourrir régulièrement...





Le monstre ô combien baroque de la comédie TERRORVISION, qui a toujours un œil qui traîne, au sens propre, une création pour la société Empire pictures aux côtés du maquilleur John Carl Buechler.

Un peu de nudité dans VAMPIRE, VOUS AVEZ DIT VAMPIRE 2? que le lecteur voudra bien pardonner.. La texture donne une impression réussie de chair en fusion.

NECRONOMICON : l'inquiétant visiteur nocturne et la fiancée ressuscitée interprétée par Maria Ford dans le premier sketch, des maquillages agencés par John VULICH au travers de sa compagnie Optic Nerve, en collaboration avec son ancien mentor Tom SAVINI.

Impressionnant déguisement de l'acteur John Ritter en cyborg dans l'épisode "Ted" de la série BUFFY CPNTRE LES VAMPIRES (BUFFY THE VAMPIRES SLAYER) de Joss WHEDON.


Extraterrestre humanoïde de la série BABYLON V, le Pac'ma'ra.


Autres créations d'Optic Nerve Fx devenu Alchemy Fx studios.

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             Bill Warren a succombé le 7 octobre 2016 à de multiples problèmes de santé à l’âge de 76 ans. Né dans l’Oregon, il s’était installé à Los Angeles en 1966, devenant contributeur et ami de Forrest J. Ackerman, le créateur de la revue "Famous monsters", à l'instar de son homonyme James Warren, éditeur de magazines sur le cinéma de science-fiction. Il écrivit de nombreuses critiques de films et est notamment connu pour avoir au travers des volumes de "Keep watching the skies !" attiré l’attention du public sur les films des années 1950 riches en monstres et extraterrestres, trop souvent considérés avec condescendance. Il avait aussi écrit un livre consacré à Evil Dead à la demande de son réalisateur Sam Raimi. J’avais eu l’honneur d’évoquer récemment avec lui la première version disparue du costume de monstre conçue pour La Chose d’un autre monde (The Thing from another world) par Harper Goff – collaborateur haut en couleur de Walt Disney connu notamment pour avoir créé le sous-marin Nautilus pour 20.000 lieues sous les mers en 1954, ce qui aurait du en faire la première créature extraterrestre réellement non humaine du cinéma, avant que James Arness soit engagé pour interpréter le monstre, pourvu d’un maquillage assez léger agencé par Lee Greenway. Bill Warren restera comme un des grands noms parmi ceux qui se sont consacrés à mettre en valeur le cinéma de science-fiction américain.


Couvertures des deux tomes de Keep watching the skies, représentant, en haut, Robby le robot de PLANÈTE INTERDITE, les soucoupes volantes et la main d'un Martien de LA GUERRE DES MONDES, le monstre de L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR, les vaisseaux spatiaux des SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT et du MÉTÉORE DE LA NUIT, et la matérialisation de la colère dans PLANÈTE INTERDITE; en bas, le cyborg de COLOSSUS OF NEW-YORK, l'envahisseur du CERVEAU DE LA PLANÈTE AROUS, le véhicule temporel et un Morlock, mutant du futur, de LA MACHINE A EXPLORER LE TEMPS, le dirigeable menaçant du MAÎTRE DU MONDE, l'extraterrestre géant de THE ANGRY RED PLANET et le sous-marin de VOYAGE AU FOND DES MERS.


Couvertures d'autres éditions de Keep watching the skies! En haut, l'extraterrestre Klaatu du JOUR OU LA TERRE S'ARRETA, et en dessous, une composition comportant notamment des éléments des films THE ANGRY RED PLANET, LES SURVIVANTS DE L'INFINI, TARGET EARTH, LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE, I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE, WAR OF THE COLOSSAL BEAST, RODAN, ROBOT MONSTER, THE EVIL GIRL FROM MARS, THE MONSTER OF PIEDRA BLANCAS, DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE, L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR, LES ENVAHISSEURS DE LA PLANÈTE ROUGE, LE CERVEAU DE LA PLANÈTE AROUS, COLOSSUS OF NEW-YORK, FIEND WITHOUT A FACE, IT CONQUERED THE WORLD, INVASION OF THE SAUCER MEN, LA GUERRE DES MONDES, PLANÈTE INTERDITE, THE CRAWLING EYE... Des films dont il sera, pour la plupart d'entre eux, question prochainement.

Le livre que Bill WARREN a consacré au film THE EVIL DEAD.


Bill WARREN avec deux écrivains célèbres de science-fiction, Ray BRADBURY, auteur des CHRONIQUES MARTIENNES et de FAHRENHEIT 451 en haut à droite, et Robert HEINLEIN, auteur des MARIONNETTES HUMAINES et EN TERRE étrangère, en bas à gauche.

Bill WARREN avec l'acteur Christopher Lee à l'époque des productions de la Hammer (DRACULA, PRINCE DES TÉNÈBRES, FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ), qu'il retrouve dans le rôle d'un scientifique cruel sur le tournage de GREMLINS 2.


samedi 12 mars 2016

L'AMOUR MONSTRUEUX

  
           
Andrzej ZULAWSKI dirigeant Isabelle ADJANI sur le tournage de POSSESSION.


           Le réalisateur d’origine polonaise Andrzej Zulawski a disparu le 17 février 2016 à Varsovie à l’âge de 75 ans des suites d’un cancer. Il avait effectué l’essentiel de sa carrière en France, se consacrant à l’évocation des relations de couple dans ses films, notamment dans son film fantastique considéré comme le plus représentatif de son œuvre, POSSESSION.
         Il a écrit lui-même le scénario de ce film franco-allemand de 1981, après avoir du quitter subrepticement la Pologne où son film de science-fiction LE GLOBE D’ARGENT inspiré par l’œuvre de son grand-oncle avait été interrompu par les autorités pour non-conformité idéologique avec le régime. Comme CHROMOSOME 3 (THE BROOD) de David Cronenberg avec lequel il présente des similitudes, POSSESSION est la vision du couple livrée par un metteur en scène confronté à un divorce difficile. Mark, interprété avec conviction par Sam Neill (un acteur coutumier du fantastique puisqu’on l’a vu la même année dans LA MALÉDICTION FINALE (THE FINAL CONFLICT), puis par la suite dans LES AVENTURES D’UN HOMME INVISIBLE (MEMOIRS OF AN INVISIBLE MAN), L’ANTRE DE LA FOLIE (IN THE MOUTH OF MADNESS), EVENT HORIZON, JURASSIC PARK et JURASSIC PARK 3) sent son épouse Anna (Isabelle ADJANI, déjà à l’affiche du remake de NOSFERATU) lui échapper, à l’occasion de scènes brillantes de confrontation empreintes de vérité. Suspectant qu’elle le trompe, il découvre effectivement qu’elle s’offre régulièrement à un amant, un personnage libertin et assez cynique, Heinrich (Heinz Bennent, que les spectateurs français ont pu voir dans LE DERNIER MÉTRO ainsi que parmi la pléthore de seconds rôles talentueux de la série DERRICK), qui se comporte comme une sorte de gourou. Un temps déstabilisé par sa logorrhée puis finalement excédé, Mark entreprendra de l’éliminer lors d’une scène épouvantable, le punissant ainsi de la dérive de son épouse dont il le rend responsable, mais cette action radicale ne la lui rendra pas car celle-là est déjà passée à un autre stade, comme Heinrich épouvanté par ce qu’il avait appris l’en avait auparavant informé.


Le temps de l'explication nécessaire, mais finalement inutile, entre les époux, littéralement dos à dos.


Le charme trouble d'Heinz BENNENT dans le rôle du séducteur Heinrich. 

        Loin de l’épanouissement promis par la libération des sens, Anna s’avère aliénée par ses pulsions auxquels elle laisse libre cours. Elle rejette son univers familial, n’éprouvant plus d’attachement ni pour son mari ni pour son fils Bob (Michael Hogben) qu’elle se met à négliger, rupture manifestée de manière particulièrement violente lors de scènes de folie et d’hystérie dans le métro et devant un crucifix durant lesquelles elle laisse s’exprimer ce qu’il y’a de plus viscéral en elle - prestation qui pousse l’actrice dans ses extrémités à un point tel qu’elle regrettera par la suite de s’être tant livrée, concédant que le cinéaste lui avait révélé des choses qu’elle aurait préféré ne « jamais avoir découvertes ». Son immersion dans son rôle lui vaudra d’être honorée par le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 1981, le César de la meilleure actrice en 1982 et le prix de la meilleure actrice au festival Fantasporto.


Sam Neill dans le rôle de Mark avec Isabelle ADJANI dans le rôle de son épouse sous la caméra d'Andrzej ZULAWSKI.

           A la manière de Nola Carveth jouée par Samantha Egar dans CHROMOSOME 3 dont la jalousie et l’hystérie l’amenaient à donner naissance à des enfants monstrueux envoyés accomplir ses desseins criminels, Anna engendre par un processus qui n’est pas explicité une créature issue de son subconscient libidinal, laquelle se développe progressivement, pour devenir l’amant parfait, comme si Heinrich déjà oublié n’avait été qu’un initiateur, un simple passage de relais ayant révélé son appétit sexuel latent mais pratiquement insatiable.


Exposition à Rome d'une photo du film CHROMOSOME 3 (THE BROOD) réalisé en 1979 par David Cronenberg, montrant l'utérus néoformé de Nola.

Nola (Samantha Egar) prend soin du nouveau né sorti de son utérus surnuméraire engendré par sa rage.

        C’est le créateur d’effets spéciaux italien Carlo Rambaldi, ayant œuvré sur le remake de KING KONG produit par Dino de LAURENTIIS, sur RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE (CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND), et futur créateur du personnage de E.T. L’EXTRATERRESTRE (E.T. THE EXTRATERRESTRIAL) et des monstres de DUNE (voir l’hommage très détaillé qui lui a été consacré en ces pages) qui est chargé depuis ses studios encore basés à Rome de concevoir l’entité. Le spécialiste des créatures mécaniques en propose différentes conceptions ; malheureusement, les versions non retenues sont perdues, les documents s’y rapportant faisant partie de la masse importante d’archives qui furent volées après la disparition du créateur. Le réalisateur ne fut cependant pas satisfait du résultat, retouchant lui-même manuellement le second stade quelques heures avant le tournage.


L'affiche de POSSESSION, figurant l'étreinte d'Anna avec une créature tentaculaire, mais constituant aussi une référence visuelle à la Gorgone, figure féminine mythologique qui détruit les hommes qui l'approche. 

Carlo RAMBALDI avec une maquette du monstre, et des dessins conceptuels, perdus suite à des agissements malhonnêtes.
           La toute première manifestation de la créature à l’écran ne consiste qu’en un peu de matière visqueuse se développant sur le mur humide d’un appartement qu’Anna a loué. Le premier stade du monstre proprement dit est d’apparence très tentaculaire, ses membres étant encore complètement flexibles, ce qui n’empêche pas Anna de se livrer à lui sans retenue, et de tuer sans ménagement le détective privé (Carl Duering) engagé par Mark lorsqu’il découvre son secret, ainsi que Zimmerman (Shaun Lawton), le compagnon de ce dernier à la recherche de l’enquêteur.


L'amant à peine formé mais déjà très actif sexuellement sur sa couche.

Préparation de la scène avec le stade suivant de la créature, au torse déjà plus humanoïde.


Le réalisateur retouche en personne la créature, suite à un désaccord avec Carlo RAMBALDI.


Une scène très explicite...

L'incarnation ultime de la créature, un doppleganger, double parfait de Mark, le même "en mieux" selon son épouse aux pulsions libidinales enfin assouvies, comme elle l'affirme avec un aplomb cruel à son ancien mari.
             Le monstre devient progressivement plus humanoïde, d’étreintes en étreintes, jusqu’à son stade ultime, un parfait sosie de Mark, épanoui sexuellement. Dans le même temps, le mari éconduit débute une relation sentimentale avec l’institutrice de son fils, Helen, qui ressemble elle-même comme une jumelle à Anna, mais avec un tempérament beaucoup plus amène, telle la version de son épouse telle qu’elle devait être initialement - laquelle est également interprétée par Isabelle ADJANI. Poursuivi par la police, Mark retrouve son épouse et son propre double qu’il tente en vain d’abattre, blessant mortellement Anna, et après l’avoir tenue dans ses bras une dernière fois, se jette dans l’escalier pour en finir.
            Alors que des explosions se produisent à l’extérieur, laissant augurer du déclenchement d’une guerre, le double de Mark vient trouver Helen, à présent libre de former un nouveau couple en remplacement des originaux détruits alors que le fils vient de se suicider par noyade dans la baignoire.


Le jeune fils ne survit pas à la destruction de sa famille.

       POSSESSION semble à la manière de FRISSONS (SHIVERS/PARASITE MURDERS) réalisé en 1976 par David CRONENBERG questionner la libération des mœurs que constitue la révolution sexuelle, quant à l’effet destructeur sur les relations sentimentales traditionnelles plus établies, ayant produit l’éclatement de la structure familiale, avec la multiplication des familles recomposées et les difficultés qu’induisent cette nouvelle situation (les remakes par Philip KAUFMAN de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES en 1978 et plus tard Abel FERRARA en 1993 s'y réfèrent aussi de manière plus ou moins implicite). Ce nouveau cadre trouve ici son illustration ultime avec le suicide de l’enfant, qui n’a symboliquement plus sa place lorsque les parents forment de nouvelles unions (on sait d’ailleurs que parmi les deux enfants qui meurent chaque jour en France de coups et mauvais traitements, une grande majorité d’entre eux sont victimes du nouveau conjoint de la mère qui ne perçoit leur souffre-douleur que comme une pièce rapportée indésirable).


Scène de FRISSONS (SHIVERS) de David CRONENBERG (1975) dans lequel des parasites se propagent au travers des relations sexuelles adultères, accroissant la libido de leur hôte.

Mark (Sam NEILL) dans POSSESSION d'Andrzej ZULAWSKI : la trahison du sentiment amoureux engendrant une douloureuse sensation de perdition.
             Le réalisateur rapproche à dessein le matérialisme freudien qui imprègne le film avec celui du système socialiste qui est évoqué implicitement à travers les plans montrant le Mur de Berlin tout proche, qui séparait alors encore la ville de sa partie sous administration communiste, l’épilogue pouvant laisser entendre que dans un monde sans repère, dépourvu d’intériorité, dans le lequel le conflit et l’absence d’empathie sont devenus la norme, l’aboutissement logique peut en être la confrontation généralisée.


               Andrzej ZULASWKI sur POSSESSION.

Andrzej Zulawski avait formé un nouveau couple avec l’actrice française Sophie MARCEAU avec laquelle il a vécu 17 ans et qui lui a donné un deuxième fils. En 2001, le réalisateur et son épouse se sont séparés, rupture qui l’a suffisamment ébranlé pour qu’il y consacre deux livre, O NIEJ et L'INFIDÉLITÉ. Pour le cinéaste qui a si bien retranscrit tout au long de sa carrière les affres de la passion amoureuse, une nouvelle démonstration que décidément l’attachement sentimental est souvent source de souffrances.


Aimer à en mourir.

Loin de toute mièvrerie, l'amour vu comme un combat à mort entre les êtres.

Andrzej ZULAWSKI, un regard pénétré sur la passion amoureuse, bouleversé par la découverte initiale de l’infidélité de sa première épouse, qui nous a rappelé que la monstruosité n'est jamais loin de la "normalité" .