dimanche 28 juin 2015

ADIEU RICK BAKER


 
 Une célèbre silhouette à queue de cheval achève de remplir une poubelle avec les derniers restes de son studio.

On se fait facilement traiter de passéiste lorsque, admiratif des monstres de cinéma conçus par les grands créateurs d’effets spéciaux, on déplore leur remplacement par des animations générées par ordinateur, chacun s’empressant de faire montre de son pragmatisme et de sa modernité en proclamant tous à l’unisson que chaque technique a sa place et que les effets spéciaux concrets comme virtuels se maintiendront dans une belle harmonie. Rick BAKER vient hélas de nous donner raison; peu après avoir été consacré au travers de l’attribution d’une étoile sur le fameux Hollywood Boulevard en 2012, le grand créateur d’effets spéciaux avait annoncé au début de l’année, comme on l’avait alors relaté, la fermeture de son studio, la destruction de ses moules et la vente de ses créations; depuis, les choses se sont encore davantage concrétisées : la vente aux enchères des effets spéciaux conçus pour le cinéma se poursuit, et le maquilleur qui a officiellement annoncé qu’il arrêtait les effets spéciaux ne cache pas que la suprématie des trucages virtuels prônés par les Dennis MURREN et consorts est la principale cause de son retrait, lui qui était parvenu à faire de sa passion précoce sa profession, et avec quel succès. Il voulut longtemps croire que les maquillages spéciaux pourraient davantage que les créatures robotisées (les animatroniques) échapper à l’emprise si manifeste du virtuel – le robot pour le cafard géant de MEN IN BLACK, vendu aux enchères, n’avait pas été utilisé, sous le prétexte d’un changement conceptuel tardif qui démontre une fois de plus le manque de conscience professionnelle des producteurs de films fantastiques velléitaires qui versent à présent dans l’impréparation, comme le souligne Rick BAKER; cependant, son travail sur le loup-garou de THE WOLFMAN, victime des ciseaux de Benicio del TORRO au profit du virtuel là encore, comme on l’avait aussi évoqué à l’époque pour les lecteurs, avait commencé à lui prouver qu’aucun effet spécial n’était à l’abri de cette véritable épidémie de pixels ravageant tout sur son passage, et il faut effectivement ajouter que dernièrement, une nouvelle mouture de LA BELLE ET LA BÊTE s’était passée de maquillage pour représenter le protagoniste monstrueux à l’écran. Rick BAKER a pris sa décision après un constat implacable : pour cause de concurrence par le virtuel, on ne faisait plus appel au studio qui avait abrité l'effervescence nécessitée par des films comme LE GRINCH (HOW THE GRINCH STOLE CHRISTMAS), GREMLINS 2, LA NOUVELLE GENERATION (GREMLINS 2 : THE NEW BATCH) ou LA PLANETE DES SINGES (PLANET OF THE APES) que pour des pièces infimes comme un faux nez, et il s'est ainsi aperçu qu'entretenir en été la climatisation de près de 5600 mètres carré lui coûtait plus que ce que rapporterait le travail qu'effectuait ainsi pour un film un unique salarié façonnant de fausses dents (entretien original : http://www.vice.com/read/legendary-rick-bakers-retirement-auction-marks-the-end-of-the-non-cgi-era-888).

"Oh non, pas Rick Baker!!!.. Je ne veux pas croire que même lui soit contraint de mettre la clé sous la porte...."


 
Rick BAKER dans les derniers moments de sa gloire, recevant un Oscar accueilli avec une expression montrant qu'il a durablement été marqué par son travail sur LE LOUP-GAROU DE LONDRES, et se voyant décerner le 30 novembre 2012 une étoile sur Hollywood Boulevard, n'oublie pas de remercier chaleureusement son mentor, le très sympathique maquilleur Dick SMITH, disparu le 31 juillet 2014 (voir hommage en ces pages dans l'article du 2 août 2014).

 
Rick BAKER également doublement honoré le 30 novembre 2012 par Le Livre des Records, pour avoir obtenu le plus d'Oscars, et pour avoir été le plus souvent sélectionné pour la catégorie du meilleur maquillage.

La décision de Rick BAKER de mettre un terme à son activité n’exclue évidemment pas des raisons secondaires; à 64 ans, il a derrière lui une carrière bien fournie et il est vrai que dans ses dernières années, le grand Stan WINSTON lui-même travaillait de moins en moins dans son atelier, occupé par la direction de son studio à superviser ainsi qu’à obtenir des contrats prestigieux – ce qui n’avait d’ailleurs pas empêché Rick BAKER de finalement reprendre la main pour le remake de LA PLANÈTE DES SINGES (THE PLANET OF THE APES) lorsque le projet était finalement revenu au réalisateur Tim BURTON. Il arrive un moment où après avoir mis longtemps au premier plan sa passion, on peut avoir envie de passer davantage de temps avec ses proches. Cependant, des passionnés mettent rarement un terme définitif à leur activité pour ce seul motif; le maître de l’animation image par image Ray HARRYHAUSEN, qui avait mis en avant cette raison lorsqu’il prit sa retraite, avait en réalité, comme on l’avait évoqué dans le long hommage qui lui fut consacré, tenté pendant des années de monter de nouveaux projets, même sans l’aide de son producteur attitré Charles SCHNEER, et avait même envisagé à défaut une contribution pour le petit écran, espérant notamment y retranscrire L’ODYSSÉE d’HOMÈRE. De la même manière, même si des créateurs de monstres célèbres comme Rob BOTTIN (THE THING, TOTAL RECALL) et CHRIS WALAS (GREMLINS, LA MOUCHE (THE FLY) de David CRONENBERG ) souhaitaient s’affranchir quelque peu des effets spéciaux notamment en se tournant vers la mise en scène ( le premier voulait réaliser le projet FREDDY CONTRE JASON – le tueur de la série de film LES GRIFFES DE LA NUIT (NIGHTMARE ON ELM STREET) affrontant celui des films VENDREDI 13 (FRIDAY THE 13TH) tandis que le second a dirigé LA MOUCHE 2 (THE FLY 2) – ce qui d’ailleurs n’empêcha pas pour sa part Stan WINSTON, après avoir réalisé LE DEMON D’HALLOWEEN (PUMPKINHEAD) et UN GNOME NOMMÉ GORN (A GNOME NAMED GORN), de revenir aux effets spéciaux, des considérations professionnelles liées notamment à l’emprise des trucages virtuels ne peuvent naturellement pas être étrangères à leur décision de mettre fin à leur vocation, à fortiori lorsqu’il s’agit de fortes personnalités, aimant être leur propre maître d’œuvre et étant peu enclines à dépendre de l’arbitraire de cinéastes et producteurs peu connaisseurs des effets spéciaux et bien peu respectueux de ceux qui les créent, n’ayant pas le moindre scrupule à couper au dernier moment la création dans laquelle ils ont investi toute leur créativité et leur énergie, ou pour le moins à les faire retoucher par les infographistes au point d’effacer pratiquement toute trace de leur art.

Comme beaucoup de passionnés de maquillage spéciaux, Rick BAKER avait commencé très tôt à s’exercer en solitaire; ses parents se souviennent qu’il s’enfermait durant des heures dans sa chambre, et qu’ils ne savaient jamais sous quelle apparence monstrueuse il allait finalement ressortir, sous l’aspect d’une momie ou d’un gorille. Il est apparu dans un film parodique amateur, THE NIGHT TURKEY, réalisé par William MALONE - qui deviendra connu pour ses films de monstres à petit budget comme SCARED TO DEATH et CREATURE (film cité dans l’hommage à Michael McCRACKEN) avant d’œuvrer sur un projet inabouti inspiré par GIGER comme évoqué dans l’article consacré à ce dernier suite à sa disparition.

Le jeune Rick BAKER et certains de ses premiers travaux de maquillage.

Rick BAKER entouré de masques - celui de gauche est inspiré du centaure à l’œil unique du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD.

Il conçut des costumes pour un certain nombre de films de série B, le premier étant pour OCTAMAN en 1971, l’histoire d’un monstre mi-pieuvre mi-humain engendré par la radioactivité, dont le tournage fut compliqué par la chaleur du désert qui craquelait le latex, puis l’anthropoïde velu de la comédie SCHLOCK de John LANDIS (1973), premier d’une grande série de primates, avant de concevoir l’effrayant bébé mutant du MONSTRE EST VIVANT (IT’S ALIVE) de Larry COHEN.

Bien avant l'Homme-douve vu dans un épisode de la série AUX FRONTIERES DU REEL (X-FILES), il y'eut l'Homme-pieuvre d'OCTAMAN. Il est de bon ton de rire du monstre, mais vu de dessous, il est quand même plutôt inquiétant.

Un bébé mutant qui cause bien des tracas dans la série de films de Larry COHEN- créateur de la série LES ENVAHISSEURS (THE INVADERS), amenant un questionnement difficile sur la notion d'humanité.

Grand admirateur de Dick SMITH qui fut l’un des premiers à expliquer ses secrets aux amateurs – il avait été précédé par William TUTTLE - Rick BAKER parvint à le rencontrer et devint son assistant; il fut chargé de la création du mannequin capable de tourner la tête à 360 degré comme doublure de Linda BLAIR pour la scène de L’EXORCISTE (THE EXORCIST) de William FRIEDKIN (1973), dans laquelle son personnage présente d’effroyables stigmates de possession.

Rick BAKER continue dans la seconde partie de la décennie 1970 de se partager entre petits budgets et grandes productions. Il œuvre sur les effets spéciaux de SQUIRM (1976) représentant des victimes humaines dont le visage est attaqué par des vers marins subitement anthropophages qu’on voit ramper sous la peau et sur l’effroyable liquéfaction de l’infortuné astronaute de THE INCREDIBLE MELTING MAN (1977). Par ailleurs, il est recruté par le producteur Dino de LAURENTIIS pour concevoir le costume de singe du remake de KING KONG, dont Carlo RAMBALDI conçoit les mécanismes d’animation du visage, et que le maquilleur endosse lui-même, souffrant du port des lentilles. L’expérience lui laissera une expérience assez amère, car il n’est pas autorisé à lui conférer l’attitude d’un véritable gorille, le monstre étant censé agir davantage comme un humanoïde primitif, et, outre des relations peu aisées avec Carlo RAMBALDI dues notamment à l’absence de langue commune entre l’Américain et l’Italien, il voit dans le générique sa participation réduite à la portion congrue et ne fait pas partie des membres de l’équipe honorés par un Oscar.

Tournage du remake de KING KONG prisonnier de la cale du navire pétrolier; par la grâce de la photographie et du montage, il apparaîtra titanesque à l'écran.

Rick Baker sous le costume de Kong, mais la couronne et les honneurs ne furent pas pour lui.

Sur une autre grande production des années 1970, LA GUERRE DES ÉTOILES (STAR WARS) de George LUCAS, Rick BAKER est appelé en renfort pour augmenter le nombre de masques d’extraterrestres devant apparaître dans la séquence de la taverne interstellaire connue sous le nom de « Cantina Band » au côté de ceux déjà conçus par le maquilleur britannique Stuart FREEBORN (voir hommage à ce dernier – ainsi que celui sur Dale KUIPERS, autre contributeur).

Une des réalisations les plus époustouflantes de Rick BAKER est la transformation du LOUP-GAROU DE LONDRES (AMERICAN WEREWOLF IN LONDON). Le projet de John LANDIS ayant été un temps suspendu, Rob BOTTIN, le jeune assistant de Rick BAKER qui, encore mineur, lui avait officieusement apporté son renfort sur KING KONG et LA GUERRE DES ÉTOILES, accepta de créer des loups-garous pour HURLEMENT (THE HOWLING) de Joe DANTE, tandis que le premier était finalement mis en production. Rick BAKER ne pardonna jamais au jeune homme à qui il avait donné sa chance d’avoir utilisé les techniques qu’il lui avait enseignées pour concevoir un loup-garou concurrent du sien, et Rob BOTTIN ne vint ainsi pas écouter l’hommage que Rick BAKER consacra à Dick SMITH suite à sa disparition, à la différence de l’immense majorité des maquilleurs d’effets spéciaux qui tenaient à être présents, alors qu’on le vit par contre à la soirée commémorative de BLADE RUNNER, classique des années 1980 auquel il n’avait pas pris part - une autre rupture plus intime marquera Rick BAKER lorsque son épouse Elaine le quittera après dix ans de vie commune pour son interprète favori Peter ELLIOTT avec lequel il travaillait en osmose pour donner vie à ses singes.

 
Préparation d'un plan pour la transformation du loup-garou de Londres utilisant un faux plancher dissimulant l'acteur David McNAUGHTON (procédé également utilisé pour l'extraction du parasite interne d'ALIEN hors du corps de John HURT et une métamorphose de THE THING impliquant l'acteur Charles HALLAHAN), puis le très efficace résultat à l'écran en dessous.


vidéo montrant la préparation des scènes avec le loup-garou sous sa forme complètement animale, incluant un plan coupé.

En dépit de la compétition inévitable avec HURLEMENT, LE LOUP-GAROU DE LONDRES reste particulièrement saisissant, tant rien n’est laissé dans l’ombre de la métamorphose qui transforme un jeune Américain en bête velue féroce. Mais ce n’est pas le seul coup d’éclat de la longue carrière de Rick BAKER, passionné par les gorilles, qui a consacré une part importante de sa carrière à s’efforcer de concevoir le « singe parfait », la restitution la plus réaliste possible à l’écran de ce proche parent de l’homme, qu’il voulait déjà réaliser à l’occasion du remake de KING KONG de John GUILLERMIN en 1976. Outre ce dernier, Rick BAKER s’est chargé des costumes de simiens qui apparaissent dans THE THING WITH TWO HEADS en 1972, THE INCREDIBLE SHRINKING WOMAN en 1981, GREYSTOKE (THE LEGEND OF TARZAN, LORD OF APES) en 1984, de l’homme singe hypothétique appelé « Bigfoot » de HARRY AND THE HENDERSONS en 1987, dont il se montrait particulièrement fier en raison de la variété de ses mouvements faciaux obtenus mécaniquement, des australopithèques de THE MISSING LINK en 1988, du gorille de BÉBÉ EN VADROUILLE (BABY’S DAY OUT) en 1993, du gorille géant du remake de MIGHTY JOE YOUNG en 1993 dont il existe aussi une version robotisée géante, et des nombreux protagonistes du remake de LA PLANÈTE DES SINGES par Tim BURTON en 2001, ne laissant faire ses preuves en la matière à son concurrent Stan WINSTON, à qui ce dernier projet a échappé quand son copain l’acteur Arnold SCHWARZENEGGER s’en est retiré, que sur CONGO. S’il fallait démontrer que Rick BAKER est bien parvenu à créer le « singe parfait », il suffirait pour s’en convaincre de visionner le film consacré à l’anthropologue Diane FOSSEY, GORILLES DANS LA BRUME (GORILLAS IN THE MIST) en 1988, en constatant l’adéquation totale de ses créations avec les vues des vrais animaux présentés à l’écran en alternance, la différence entre les séquences étant tout à fait indiscernable à l’écran (pour davantage de détails sur les singes de Rick BAKER, lire l’article : « A la recherche du singe parfait » de mai 2013, ainsi pour les anglophones que cet article bien documenté : http://www.puppeteers.org/news/blog/the-best-gorilla-puppets-and-suits-that-nobody-knew-they-saw/).

Rick BAKER mettant la dernière touche au costume très perfectionné du Bigfoot d'HARRY AND THE HENDERSONS,interprété par Kevin Peter HALL (PREDATOR); après sa brouille avec Peter ELLIOTT, Rick BAKER fera apppel à d'autres interprètes pour incarner ses personnages simiens, notamment John ALEXANDER, l'autre grand spécialiste en la matière (voir l'article "A la recherche du singe parfait").

La tête robotisée (ainsi qu'un bras) pour la version grandeur nature du gorille de MIGHTY JOE YOUNG ( l'original avait été animé image par image par Ray HARRYHAUSEN, qui fait une courte apparition parmi la distribution du remake).

Rick BAKER était aussi revenu aux loups-garous avec WOLF de Mike NICHOLS puis avec THE WOFMAN évoqué plus haut. En matière de créatures à fourrure, il avait aussi conçu le personnage de RATBOY en 1986, le masque léonin porté par l’acteur Ron PERLMAN de la série LA BELLE ET LA BÊTE ( THE BEAUTY AND THE BEAST) initiée l’année suivante, et les virevoltantes créatures de GREMLINS 2 : THE NEW BATCH de 1990, reprenant le flambeau de Chris WALAS à qui on devait les personnages du film original. Il avait aussi en 1982 donné corps aux visions fantasmatiques dérangeantes de David CRONENBERG dans VIDEODROME (le poste de télévision organique, le pistolet fait de chair, l’ouverture verticale sur le ventre de Max Renn (James WOODS) devenu une sorte de magnétoscope vivant), mais avait décliné la proposition du réalisateur pour LE FESTIN NU (THE NAKED LUNCH) en raison de la connotation sexuelle des effets spéciaux, désireux de ne pas rééditer le « vagin abdominal » arboré par James WOODS, alors qu’il était devenu père de famille (ce qui ne l'empêchera pas pour un gag d'une finesse relative de doter un humanoïde de deux gonades sur le menton pour MEN IN BLACK 2).

 
Un Gremlin de GREMLINS 2.

Néanmoins, Rick BAKER ne fut pas mécontent, après être parvenu à remporter le défi du « singe parfait », de se diversifier en concevant nombre de créatures extraterrestres pour MEN IN BLACK, même si le monstre final tout comme le clandestin du prologue lorsqu’il tente de s’échapper, ont été en définitive remplacés arbitrairement par des images de synthèse. Sur la suite, ni le ver géant ni la forme végétale de Séléna (Lara Flinn BOYLE) ne sont malheureusement créés par le moyen d’effets spéciaux concrets, mais le studio de BAKER conçoit cependant différents êtres pittoresques, tout comme dans le troisième volet, même si celui-ci, profusion d’images créées par ordinateur, le cantonne principalement aux costumes d’humanoïdes, de même que sur HELLBOY (2004), le Béhémoth n’étant qu’une création numérique. Dans un registre plus comique, Rick BAKER a la responsabilité de faire grossir démesurément Eddie MURPHY dans LE PROFESSEUR FOLDINGUE (THE NUTTY PROFESSEUR) en 1996.

Rick BAKER entourée des masques de MEN IN BLACK 3 (le poisson vu dans la cuisine a quant à lui déjà eu l'honneur de figurer en ces pages au titre de la photo-mystère).




Documentaire consacrée à Rick BAKER, "Le métamorphoseur" par la série « La magie des effets spéciaux » (Movie Magic) de Don SHAY évoquant notamment MEN IN BLACK; cependant, contrairement à ce que pourrait laisser accroire le documentaire, certaines créatures ne sont pas sorties du studio de Rick BAKER mais de ceux de KNB, comme les petites créatures rampantes et les standardistes, et de XFX de Steve JOHNSON, comme la créature à aspect de limace géante. On peut aussi y voir notamment la manière dont des poches gonflables permettent à un personnage de gonfler instantanément, séquence hilarante issue des coulisses du PROFESSEUR FOLDINGUE.

 L'entrée gothique du studio de l'ancien studio Cinnovation de Rick BAKER.

 Comme Stan WINSTON, Rick BAKER avait consacré un partie de son studio à un musée présentant ses créations; ici le personnage de Joe tenant en respect un policier et derrière le Grinch qui déteste Noël.
 
d'autres photos du défunt studio de Rick BAKER sur ce site, et vidéo, ci-dessous :  http://www.thevine.com.au/entertainment/news/men-in-black-3s-rick-baker-i-just-beat-the-crap-out-of-him-with-it-he-was-really-screaming-20120524-226124



 Hommage récent lors du Festival Monterpalooza à Rick BAKER, reproduit sous forme de mannequin réaliste le représentant en train de déguiser David McNAUGHTON en lycanthrope pour LE LOUP-GAROU DE LONDRES (AMERICAN WEREWOLF IN LONDON) de John LANDIS.

Quand on se contemple soi-même, c'est souvent que la destinée touche à sa fin (avec l'acteur du LOUP-GAROU DE LONDRES David McNAUGHTON).

Rick BAKER déclare qu’il va devenir principalement consultant sur des films ; on sait comment cela s’est terminé avec Rob BOTTIN qui avait ainsi été consultant sur MIMIC car les producteurs avaient souhaité accoler à l’équipe de Rick LAZARRINI un nom prestigieux pour le générique. Il a par la suite rapidement cessé de créer des monstres. La manière dont l’industrie hollywoodienne traite les noms les plus révérés des effets spéciaux ( Rob BOTTIN avait été renvoyé d’UN CRI DANS L’OCEAN (DEEP RISING) en raison de son perfectionnisme au bénéfice d’un monstre créé à 100% par ordinateur ! ) ne fait pas honneur à ses nouveaux maîtres…

 
Le cafard extraterrestre géant de MEN IN BLACK, inutilisé, sort du studio emballé de manière à être livré en bon état à l'acquéreur.

Le fauteuil du Maître, désormais vide, encore une sommité des effets spéciaux évincé par cette véritable épidémie des trucages infographiques.

Le départ forcé de Rick BAKER signale de manière évidente que l’emprise des images générées par ordinateur se fait bien au détriment des effets spéciaux physiques. La bande annonce de la nouvelle mouture de JURASSIC PARK, JURASSIC WORLD, évoqué dans l’article précédent n'avait, comme celle de la préquelle de THE THING, laissé aucun doute à ce sujet. Quelques studios résistent heureusement encore à cette pression, tels KNB fx, Amalgamated Dynamics qui a réussi à produire son propre film, HARBINGER DOWN, grâce à la souscription publique, le studio de Vincent GUASTINI, et Steve JOHNSON qui, après avoir quitté le métier comme on l’avait signalé dans l’article « Les derniers créateurs déclarent forfait », et tenté de faire publier un roman, découvrant que sa notoriété ne le servait guère hors de son domaine professionnel, relève le défi en ayant le mois précédent ouvert son propre atelier. Nous ne pouvons que dire : « tenez bon ! », ils sont assurés de toujours trouver ici un soutien inconditionnel.


Que nos amis créateurs d'effets spéciaux ne nous reprochent pas d'alimenter le pessimisme à l'endroit des effets spéciaux traditionnels, bien que sans illusion quant à la manière dont les producteurs les malmènent et les édulcorent, on ne manque jamais ici de souligner les éléments plus encourageants, comme la réouverture d'un atelier par Steve JOHNSON, surplombé par l'iconique fantôme vert Slimer de S.O.S FANTÔMES (GHOSBUSTERS) auquel il a donné vie dans sa jeunesse (photo du haut).

Historique de la carrière de Rick BAKER (mais les liens vers les photos sont désactivés) :
http://www.horreur.net/dossier/rick-baker-itineraire-d-un-surdoue-41299
 
La création de singes par Rick BAKER a déjà été évoquée plus en détail en ces pages dans les articles suivants :
http://creatures-imagination.blogspot.fr/2012/08/cetait-le-pere-de-et.html   ( le remake de KING KONG)
http://creatures-imagination.blogspot.fr/2013/05/a-la-recherche-du-singe-parfait.html



DRACULA aussi déposé sa cape.

 
Qui ose défier le prince des ténèbres.. "Are you talking to me?!.."

L’acteur britannique Christopher LEE s’est éteint le 7 juin 2015. Il était mondialement célèbre pour avoir incarné le Comte Dracula pour la société de production anglaise la Hammer, déjà évoquée à l’occasion de la disparition d’un de ses principaux scénaristes Jimmy SANGSTER.

D’abord engagé au côté de la Finlande contre l’Union soviétique en 1941, il participe dans le service du renseignement à la lutte contre les Allemands en Afrique du Nord puis participe à la dénazification en Europe. Devenu acteur, il peine à s’imposer en raison de sa grande taille qui le cantonne à des rôles secondaires jusqu’à ce que cette caractéristique devienne un atout dans le domaine du fantastique, lui permettant d’obtenir l’interprétation du monstre de Frankenstein pour le remake de la Hammer FRANKENSTEIN S’EST ÉCHAPPÉ (FRANKENSTEIN MUST BE DESTROYED) en 1957. En dépit de l’intention de Terence FISHER d’humaniser la créature, Christopher LEE incarne un pantin muet dont l’épiderme grumeleux (la Hammer n’ayant pas obtenu les droits l’autorisant à s’inspirer du maquillage conçu par Jack PIERCE pour transformer Boris KARLOFF dans la fameuse version de James WHALE) le rend peu expressif, ce qui n’est pas en contradiction avec le titre qui fait du Docteur Frankenstein joué par Peter CUSHING (avec qui il avait déjà tourné une adaptation télévisée d’HAMLET de William SHAKESPEARE) le vrai monstre du film, pervers et cynique. L’année suivante, il retrouve son partenaire dans LE CAUCHEMAR DE DRACULA, interprétation puissante combinant le maintien altier du personnage aristocratique avec la sauvagerie et une impression de puissance incoercible lorsqu’il révèle sa nature de vampire. Contrairement à son prédécesseur Bela LUGOSI qui affirmait s’identifier totalement au Comte Dracula au point de dormir dans un cercueil, Christopher LEE disait n’avoir reprit de manière récurrente son personnage de vampire que pour que le reste de l’équipe ne se retrouve pas au chômage.. Sa haute silhouette a tout naturellement endossé la reprise du rôle titre du remake de LA MOMIE, LA MALEDICTION DES PHARAONS (CURSE OF THE MUMMY) qu’avait incarné de manière plus mélancolique Boris KARLOFF dans l’original. Comme Peter CUSHING qui avait joué dans L’ILE DE LA TERREUR (ISLAND OF TERROR), il a aussi retrouvé son partenaire ainsi que le metteur attitré de la Hammer, Terence FISHER, pour la société concurrente Planet sur NIGHT OF THE BIG HEAT, dans lequel ils tentent de s’opposer à des extraterrestres d’aspect protoplasmique organisant le réchauffement climatique de notre planète pour en faire leur nouveau monde.

 
Un extraterrestre de NIGHT OF THE BIG HEAT voulant augmenter la température de notre globe; quelques années plus tard, ceux de la série LES ENVAHISSEURS (THE INVADERS) aspiraient à en faire un monde liquide; quelle manie ont ces visiteurs de chercher à nous imposer leur mode de vie..!

Christopher LEE était aussi ami avec l’animateur Ray HARRYHAUSEN, ayant été un temps son voisin lorsque le créateur d’effets spéciaux s’était établi en Angleterre. Si l’acteur a interprété à trois reprises le rôle de Sherlock Holmes et celui, plus ambigu, de RASPOUTINE, sa carrière l’a principalement conduit à multiplier les rôles de méchant dans les films d’horreur italiens inspirés de la Hammer pour laquelle il avait tourné, dans JAMES BOND, ou encore dans GREMLINS 2 dans le rôle d’un expérimentateur sadique.

Christopher LEE (à gauche en noir) et Ray HARRYHAUSEN, séparés par le créateur de magazines Forrest J. ACKERMAN s'apprêtant à se prêter à une séance de moulage dans les célèbres studios de fabrication de masques d'Halloween de Don POST.

Désireux d’être également reconnu par le jeune public, l’acteur accepta de tourner dans de grandes productions récentes, notamment la nouvelle trilogie de LA GUERRE DES ÉTOILES (STAR WARS) de George LUCAS, LE SEIGNEUR DES ANNEAUX (LORD OF THE RINGS) ainsi que THE HOBBIT. Une volonté de plaire à un large public qui n’est pas méprisable mais il est vrai que voir Christophe LEE se battre à l’épée laser avec un Yoda dessiné à l’ordinateur est un autre forme de cinéma…

Autres disparitions récentes, l'acteur Patrick McNEE, incarnation du flegme britannique (ce qui ne l'empêchait pas de reconnaître avoir conçu dans sa jeunesse une passion pour la pornographie et sa diffusion qui lui valut son exclusion des écoles religieuses) et interprète iconique de la série CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR (THE AVENGERS) qu'on avait vu à l'occasion affronter robots tueurs, plante extraterrestre meurtrière et rat gigantesque; il avait aussi tourné avec Leslie NIELSEN dans la comédie de science-fiction THE CREATURE WASN'T NICE et incarné le chef des loups-garous dans HURLEMENT (THE HOWLING). Il s'est éteint en Californie le 25 juin 2015.

 

Le compositeur James HORNER a quant à lui péri dans son avion de tourisme le 22 juin 2015. Compositeur de la musique de TITANIC, qui avait eu l'idée discutable de recruter Céline DION pour faire du thème principal une chanson - amorçant la tendance visant à remplacer la musique de film par des "tubes" à la mode, il avait dans ses jeunes années illustré musicalement certains films fantastiques et de science-fiction comme WOLFEN, LES MERCENAIRES DE L'ESPACE (BATTLE BEYOND THE STARS), LES MONSTRES DE LA MER (HUMANOIDS FROM THE DEEP), STAR TREK 2 THE WRATH OF KAHN, STAR TREK 3 THE SEARCH OF SPOCK, BRAINSTORM, KRULL, COCOON, ALIENS ou encore WILLOW - avant d'être plus récemment engagé pour AVATAR, mais ceci est un autre genre de science-fiction...



mardi 16 juin 2015

UN SEUL "VRAI DINOSAURE" DANS JURASSIC WORLD !


Les spécialistes des effets spéciaux de Legacy fx (héritier des studios de feu Stan WINSTON) ont du batailler ferme pour que les responsables du quatrième volet de la série JURASSIC PARK, intitulé JURASSIC WORLD, puissent être autorisés à concevoir une portion robotisée de dinosaure, en l’occurrence le cou et la tête d'un brontosaure. Et encore peut-on noter que la sculpture a été réalisée d'après un modèle numérisé (depuis plusieurs années, les sculptures sont souvent créées par un laser d'un modèle à partir d'un modèle informatisé - ce qui conduit les connaisseurs à estimer que le détail de la peau est moins réaliste que s'il avait été façonné directement par les sculpteurs eux-mêmes à partir de la glaise comme cela se pratiquait auparavant).

Un contact charnel avec un dinosaure, un Brontosaure à la peau plissée - le seul de tout JURASSIC WORLD.
 
Tous les autres dinosaures, à la manière des singes des dernières version de LA PLANÈTE DES SINGES, sont des animations numériques, comme on pouvait le craindre - d'autant que le concepteur des effets animatroniques des trois premiers films, Stan WINSTON et son studio, ont depuis disparu (voir hommage sur l'ouverture de ce blog). Aux modèles concrets animés par de grands artistes se substituent donc des modèles informatiques créés par une foule anonyme d'infographistes lesquels, quelque soit leur implication et leur savoir-faire, ne peuvent aussi bien retranscrire à l'écran des animaux disparus que ne le rendent possible leur recréation par le moyen de robots réalistes.


"Monsieur Hammond, combien avez-vous créé de dinosaures avec tout votre argent pour ce nouveau parc? Seulement UN dinosaure! Et tous les autres sont juste des animations graphiques par ordinateur ? Hmmm, c'est un parc à dinosaures sans dinosaures, alors..!"

 
"Je ne peux croire qu'ils ont produit un film de la série JURASSIC PARK ne faisant pratiquement pas appel à des dinosaures robotisés!"
 
 
"Et les foules se précipitent en masse dans les cinémas pour le voir, comment est-ce possible ?"

Les décors de JURASSIC WORLD sont eux-mêmes pour leur grande majorité des créations numériques, aussi, en dépit de leur esthétique, le film se rapproche finalement plus d'"un dessin animé réaliste" dans lequel on aurait inséré des acteurs.

Les thuriféraires du modernisme feront valoir que le public se rue en masse dans les salles pour le visionner ; c'est d'une part oublier qu'une partie importante des budgets des films est consacré à la promotion (rappelons qu'AVATAR qui a coûté 237 millions de dollars, s'est vu de surcroît gratifié de 150 millions de dollars pour assurer sa publicité, on imagine ce que cette somme faramineuse aurait pu engendrer si elle avait été convertie en décors et créatures réalistes); et d'autre part que les spectateurs vont voir par nature ce qu'on leur propose et qu'ils n'ont plus guère d'autre choix, à charge pour ceux qui sont attachés aux films tels qu'on les entend traditionnellement de garder leur argent pour financer les projets qui leur sont fidèles (voir à ce sujet l'article de novembre 2015 "Le nouveau cinéma fantastique hors d'Hollywood?": http://creatures-imagination.blogspot.fr/2014/11/le-futur-de-lanimation-hors-dhollywood.html).

La tête d'un reptile volant primitif, un Dimorphodon, sculpté par l'équipe de Legacy Fx ; malheureusement, cette superbe création n'apparaît pas directement dans le film, n'étant destinée qu'à être scannée et retouchée par ordinateur.


 
Si la séquence de l'attaque du Mosasaure avait été réalisée par des effets spéciaux concrets, sans doute eut-elle ressemblé à ces vues de cette très belle figurine de la collection Sideshow, dont les détails sont très soignés et permettent même de reconnaître quelque parenté entre le monstre marin éteint et les varans, dont il est un proche cousin.

 Il est d'ailleurs pour le moins paradoxal que Steven SPIELBERG qui produit ce nouveau volet presque intégralement en images de synthèse déclare régulièrement qu'Hollywood s'expose à des déconvenues car le public va finir "par se lasser des images de synthèse et revenir vers des films avec des effets spéciaux concrets filmés avec un éclairage direct"; certains d'entre nous n'ont pas attendu plus longtemps que le premier film pour s'en lasser...


Hélas, la déviance est ancienne, la saga JURASSIC PARK retranscrivant de manière très édifiante le processus fatal qui a amené la fin des créatures concrètes à l'écran. Le premier film est célèbre pour avoir remplacé par des séquences agencées par ordinateur l'animation image par image de Phil TIPPETT, digne héritier de Ray HARRYHAUSEN, en dépit des tests d'animation très convaincants qu'il avait effectués sur le film, notamment pour la marche du tyrannosaure; néanmoins, le film comportait encore nombre de versions robotisés grandeur nature réalisées par l'équipe de Stan WINSTON. Pour la première suite, LE MONDE PERDU (THE LOST WORLD), la part du virtuel s'est accrue, le stégosaure mécanique adulte n'ayant pas eu l'honneur de l'écran, seules des versions infographiques des spécimens adultes figurant dans la scène, comme pour celle de la poursuite des dinosaures par l'équipe du neveu de Hammond; dans JURASSIC PARK 3, une version grandeur nature des deux prédateurs géants fut construite, mais la part du virtuel était importante, avant de conduire à l'éviction pratiquement totale des modèle concrets dans le dernier opus, JURASSIC WORLD. Ainsi, le reptile volant de la volière de JURASSIC PARK 3, incarné par un interprète dans un costume remarquable, n'a pour ainsi dire pas été utilisé, au profit d'une version virtuelle. La vidéo ci-jointe montre le réalisme stupéfiant de cette création filmée dans les studios de Stan Winston pour un essai malheureusement sans suite.


 
Pour représenter un reptile volant, on peut utiliser un modèle mécanique grandeur nature, ou bien une figurine animée image par image, comme celle de ce court métrage de Mark SULLIVAN (HOUSE 2, THE BLOB, ROBOCOP 2) intitulé MISS BURMA; là encore, on appréciera le réalisme de l'épiderme de l'animal, rien ne vaut décidément les vrais modèles en trois dimensions.*




Le créateur a aussi réalisé une vidéo qui retrace la création de la séquence, l'animation seule du ptérosaure suivie de son intégration dans la séquence avec l'actrice, qui ne peut être visionnée que sur la page de Mark SULLIVAN : https://vimeo.com/20431648.

Ne cherchez pas ailleurs, vous ne verrez nulle part que sur cette page de reconstitutions plus proches de ce qu'ont pu être les véritables reptiles volants qui emplissaient les cieux au temps de l'ère mésozoïque. 

* Une conférence est donnée le vendredi 26 juin 2015 en direct sur internet par les créateurs des robots géants de JURASSIC PARK : inscription pour 5 euros avant le 21 juin, 10 euros après : http://bit.ly/JurassicPartyFB


samedi 6 juin 2015

SCIENCE-FICTION DANS LE NORD DE LA FRANCE..?


La nappe de boue à Epenancourt, dans le département de la Somme, consécutive à l'orage du 5 juin 2015 n'est pas sans rappeler de manière irrésistible l'effrayante créature immémoriale surgie des profondeurs de la terre dans le classique de la Hammer écrit par Jimmy Sangster (auquel on a rendu hommage lors de sa disparition) X THE UNKNOWN* (1956)...!

Espérons que ce genre d'évènement favorisé par les changements climatiques ne deviendra pas plus fréquent, l'épouvante est plus appréciable quand elle demeure cantonnée à l'écran.

                                                                       La réalité.



Le monstre de X THE UNKNOWN, une forme d'énergie primordiale qui sème sa radioactivité mortelle au travers de la coulée de boue qui l'abrite, consumant les infortunés qui croisent sa route..

Rien n'arrête le monstre créé par le concepteur d'effets spéciaux Leslie BOWIE.


* Les amateurs de la série LE PRISONNIER pourront reconnaître dans la distribution Leo McKERN qui fut le dernier "Numéro 2" de la série et qu'on retrouvait dans l'épilogue montrant enfin le célèbre captif interprété par Patrick McGOOHAN retrouver sans doute définitivement cette fois son domicile londonien où il avait été enlevé.


dimanche 19 avril 2015

MON DANEMARK POUR UN ROYAUME MARTIEN


Éteint à l'âge de 97 ans le 13 mars 2015 suite au déclin progressif de sa santé, l'Américain d'origine danoise Ib MELCHIOR s'était illustré dans des domaines divers, incluant la science-fiction. Né à Copenhague le 17 septembre 1917 d'un père ténor, il y fit ses études universitaires avant d'intégrer une troupe de théâtre britannique, The English players, et effectua des tournées dans toute l'Europe, et jusque sur les planches de Brodway aux Etats-Unis au moment où se déclencha le second conflit mondial. Demeurant à New-York où il travailla dans l'administration de la salle de spectacle Radio Music City Hall et des spectacles sur glace du Center Theatre, il s'engagea après l'attaque du Japon à Pearl Harbour dans les services de renseignement de l'armée américaine où il servit durant deux années.

Il relatera son activité d'agent du contre-espionnage en 1993 dans un livre intitulé «Case by Case: a U.S. Army counterintelligence agent in world war II». Il participa aussi à la libération de camps, apprenant de la bouche d'une survivante de Dachau les terribles expériences menées sur le froid et la dépressurisation, contribua à la saisie d'un stock d'or et d’œuvres d'art que les Nazis avaient dissimulés dans la grotte de Merkers-Kieselbach, et captura le 28 avril 1945 une unité de «loups-garous» nazis vêtus d'habits civils - un groupe chargé par HIMMLER de mener des actions au sein des territoires conquis par les alliés – qui était dirigé par le Colonel Paul KRÜGER, ce qui valut au héros de se voir décerner la médaille de bronze. Ib MELCHIOR prit l'organisation des «loups-garous» nazis comme base d'une fiction pour ORDER OF BATTLE: THE HITLER'S WEREWOLVES (1972), un roman publié dans 15 pays dans lequel il imagine que celle-ci avait envisagé un plan pour assasiner le président américain EINSENHOWER de manière à peser sur le cours du conflit. Il écrivit d'autres romans inspirés de la guerre et sa passion pour l'histoire s'exerça aussi au travers des scènes miniatures qu'il reconstituait, ce qui l’amènera à devenir juge de la société de miniature militaire de Californie.

Alors qu'en 1945, il dirigeait une troupe de théâtre à New-York, au radio City Music Hall, on lui offrit l'opportunité de travailler pour la télévision, où il débuta d'abord en tant qu'acteur puis réalisateur de 500 émissions musicales diffusées souvent en direct. En 1956, il partit pour Hollywood en quête d'un producteur qui lui donnerait sa chance, et obtint en contrepartie d'un scénario satisfaisant du projet ANGRY RED PLANET (originellement intitulé «Invasion from Mars») l'autorisation du producteur Sidney PINK, rencontré lors d'une soirée, pour réaliser le film, même si ce dernier, désireux de passer lui-même à la mise en scène comme il le confirma par la suite, lui donna souvent des ordres.

 

FEU VERT POUR LA PLANETE ROUGE

ANGRY RED PLANET – dont l'actrice Nora HAYDEN se trouve être également danoise - est une tentative audacieuse de décrire un monde martien exubérant avec un budget modeste. A la différence des autres scènes présentées en noir et blanc, les scènes de Mars sont colorisées, au travers d'une tonalité sépia irradiante censée évoquer la luminosité martienne. La déformation de l'image devant manifester la singularité de l'atmosphère extraterrestre a été réalisée suite à un incident; alors que Norman MAURER, artiste conceptuel et coproducteur du film* (il avait aussi été coproducteur de SPACEMASTER X-7, un film de science-fiction évoquant à la fois DANGER PLANÉTAIRE (THE BLOB) et le plus récent LA MUTANTE (SPECIES), s'était lassé de ses recherches sur la lentille dans son garage et avait lancée celle-ci à terre, il découvrit que l'objet légèrement fendu produisait l'anamorphose recherchée. Ces procédés d'altération de l'image permirent d'associer plus intimement les scènes avec les acteurs avec certains des décors dessinés dans lesquels ils évoluent, sous le nom de «Cinemagic».

Les minutieux préparatifs de l'expédition ne laissent pas présager les aventures exubérantes qui vont suivre.
Même les plantes sont agressives sur la planète Mars d'ANGRY RED PLANET.

Les astronautes y sont confrontés aux périls de la planète rouge. Une plante carnivore manque d'engloutir l'héroïne, un énorme animal font sur eux, puis finalement un protozoaire colossal les poursuit et essaie d'absorber leur fusée, tandis que l'un d'eux eux est infecté par une fraction du protoplasme du monstre. Le film fut tourné en 17 jours pour un budget assez restreint, aux alentours de 250 000 dollars. Ainsi, les pinces de l'énorme animal qui devaient être montées sur une plate-forme avec un système motorisé furent-elles simplement manœuvrées comme des ciseaux par deux planches de bois installées sur un chariot. L'effet du protozoaire géant engloutissant la fusée fut quant à lui simplement réalisé en faisant fondre sur une plaque de la gelée colorisée autour de la maquette du vaisseau et en montant la séquence à l'envers.

Photo en noir et blanc d'un unicellulaire géant s'apprêtant à s'emparer de la fusée des explorateurs.

Accaparé par diverses tâches, Ib MELCHIOR a déploré ne pas avoir pu consacrer davantage de temps à superviser les effets spéciaux. Ainsi fut-il fort contrarié de constater que le noyau interne de l'unicellulaire titanesque avait-il été librement interprété par le créateur d'effets spéciaux Herman TOWNSLEY comme un œil pivotant sur lui-même. Quant à l'assez iconique martien gigantesque qui apparaît fugitivement à la fin de leur excursion, lourd de menaces à l'encontre du genre humain qui tenterait de coloniser leur planète – sujet qu'on retrouve dans l'épisode CONTRE-POIDS (COUNTERWEIGHT) de la série AU-DELÀ DU RÉEL (THE OUTER LIMLITS), Ib MELCHIOR, s'il n'en méconnaît pas la réjouissante étrangeté, discuta néanmoins la pertinence de sa bizarrerie, les trois yeux et les deux bouches dont il doté n'étant nullement justifiés au travers de sa fugitive apparition, pas plus que les longues franges pendant tout au long de ses bras.

Le monstre qui tente de s'emparer des explorateurs avait à l'origine été dessiné par Norman MAURER comme un crabe géant aux longues pattes et à tête de fourmi soldat, seuls les deux yeux évoquant in peu ceux d'un Vertébré, avant qu'une tête et des ailes de chauve-souris lui confèrent un aspect plus composite. Créé par Howard WEEKS (THE MAN FROM PLANET X), il s'avéra difficile à animer de manière convaincante en raison de son très faible poids et de ses nombreuses articulations, et il fut fait appel pour lui donner vie à un marionnettiste expérimenté, Bob BAKER, évoqué dans l'article précédent.

Le pire pourrait être à venir... Le comité d'accueil n'est pas plus accueillant que la flore et la faune martienne.. Martien fugitivement entrevu, vraisemblablement sculpté lui aussi par Howard WEEKS.

Ib MELCHIOR poursuivit sa collaboration avec Sidney PINK en écrivant les scénarios de deux films produits au Danemark, JOURNEY TO THE SEVENTH PLANET et REPTILICUS. Comme ANGRY RED PLANET, JOURNEY TO THE SEVENTH PLANET réalisé par Sidney PINK confronte des astronautes à des monstres extraterrestres. S'ils trouvent de prime abord sur Uranus un cadre étrangement familier issu de leurs souvenirs d'enfance, et sont reçus par d'accortes jeunes filles empreintes de douceur, il ne s'agit que de projections mentales, avant que ces dernières ne prennent les atours moins charmeurs de créatures terrifiantes, matérialisées à partir de leur esprit, comme la force destructrice de PLANÈTE INTERDITE (FORBIDDEN PLANET) réalisée en 1956 par Fred Leo McWILCOX - ou plus récemment les entités effrayantes de LA GALAXIE DE LA TERREUR (GALAXY OF TERROR). Car leur venue n'est pas mieux perçue par le cerveau géant qui, comme celui décrit par Gustave LE ROUGE dans LA GUERRE DES VAMPIRES, règne sur la planète, que leurs prédécesseurs au travers des trois yeux hargneux du Martien géant d'ANGRY RED PLANET; là encore, il s'agit de prévenir les visées potentiellement conquérantes de notre espèce si désireuse d'investir de nouveaux territoires. Les effets spéciaux créés au Danemark, une sorte d'insecte géant fouisseur et un genre de serpent colossal à l’œil unique, constitués de grillage recouvert de papier mâché, furent jugés rédhibitoires. Il fut brièvement envisagé de monter la séquence de l'attaque de la «chauve-souris crabe» d'ANGRY RED PLANET en remplacement, mais le film était trop récent pour qu'un tel emprunt ne fut pas trop évident pour les spectateurs. Un kinkajou, petit mammifère d'Amazonie apparenté au raton-laveur, fut aussi effrayé en lui pulvérisant du fréon dans les yeux pour qu'il ait l'air enragé sur quelques plans, initiative que devait désapprouver Ib MELCHIOR, ami des animaux, lorsqu'il l'apprit. Finalement, les animateurs Jim DANFORTH et Wah CHANG (JACK LE TUEURS DE GEANTS/JACK THE GIANT SLAYER, LES AMOURS ENCHANTÉES/WONDERFUL WORLD OF BROTHERS GRIMM, LES 7 FACES DU DOCTEUR LAO/THE CIRCUS OF DR LAO,) furent engagés pour crééer un nouveau monstre, un cyclope féroce animé image par image qui évoque quelque peu le croisement entre un rat et un dinosaure carnivore; quelques instants montrant l'araignée géante du film EARTH VERSUS SPIDER furent également colorisés et utilisés; enfin, pour la version initialement diffusée, un plan d'ANGRY RED PLANET montrant un astronaute englouti par l'énorme cellule fut inséré pour montrer la disparition d'un des explorateurs dans le cerveau géant, avant d'en être retranché quand les deux films furent édités sur un seul DVD, laissant le spectateur dans l'incertitude quand à son sort.

Premiers pas hésitants sur Uranus.
Le repos de l'explorateur: des jeunes filles douces et aimantes; illusion extraterrestre ou, à la manière de SOLARIS, souvenir nostalgique d'une époque antérieure au féminisme...


Serpent géant à l’œil unique coupé au montage.

Monstre souterrain créé par l'équipe danoise des effets spéciaux, également retranché de la version finale.


Le monstre créé par les spécialistes américains en remplacement.

Le Maître d'Uranus, un cerveau géant et ses ondes hypnotiques.

REPTILICUS s'inscrit dans la lignée du MONSTRE DES TEMPS PERDUS (THE BEAST FROM 20000 TH FATHOMS), GODZILLA et GORGO, film anglais sorti la même année, en mettant en scène un reptile géant tiré d'un sommeil ancien qui sort de l'océan pour semer la destruction dans les villes. Sidney PINK demanda à ses interprètes ne parlant pas anglais d'articuler en phonétique, ce qui se traduisit par un phrasé extrêmement ralenti. Le producteur Samuel ARKOFF refusa de distribuer le film aux États-Unis et Sidney PINK décida de l'attaquer devant les tribunaux, jusqu'au moment où il visionna lui-même le résultat et convint qu'un doublage était indispensable. Les effets spéciaux sont quant à eux inégaux, même si Ib MELCHIOR fit retourner certains plans, le monstre annonçant parfois le dragon serpentiforme du film japonais ATRAGON de 1964. Sur le plan de la vraisemblance, l'histoire qu'Ib MELCHIOR reçut mission de développer exige une certaine crédulité du spectateur, car le monstre bénéficie du même pouvoir de régénération que les étoiles de mer, étant capable de se reconstituer complètement à partir de la partie terminale de la queue, ce qui paraît fort douteux au vu de nos connaissances sur les vertébrés; on peut aussi se demander ce qu'une créature vraisemblablement issue de l'époque des dinosaures fait dans une couche de permafrost constituée lors des épisodes glaciaires de la période quaternaire, piégée dans la glace des dizaines de millions d'années après la disparition de ces animaux.

 Une histoire qui commence par la queue..

La créature régénérée, survolant la ville dans un plan rappelant l'esthétique de l'expressionnisme allemand ; malheureusement, toutes les séquences comme celle-ci montrant le monstre en vol, dans lesquelles il a assez fière allure, ont été coupées, les responsables estimant que malgré la tentative d'atténuation lors d'un nouveau tirage, les câbles suspendant la marionnette du dragon demeuraient trop visibles à l'écran. 

Le monstre à terre.


MARS ET CA REPART... 

ROBINSON CRUSOÉ ON MARS est la transposition dans l'espace du fameux roman de William DEFOE. Évidemment, on pourra être un peu réticent devant la possibilité que l'extraterrestre avec lequel sympathise le héros perdu sur une planète étrangère soit en tout point humain. Son scénario comportait initialement un certain nombre de créatures hostiles, insectes géants inspirés du fourmilion et de la courtilière (un parent fouisseur des grillons), reptiles volants ainsi qu'aquatiques, et champignons géants dégageant des spores létales – qui aurait ainsi rapproché davantage le film d'ENEMY MINE, par la survie sur une planète hostile de deux naufragés étrangers, le second devant de surcroît à l'origine comporter une faune inspirée d'arthropodes avant que la production ne change de direction et n'engage Chris Walas qui proposa des concepts plus originaux. Ib MELCHIOR s'intéressait aux insectes, ayant travaillé au muséum d'histoire naturelle de New-York où il participa à l'identification de 5000 coléoptères sud-américains et appréciait particulièrement le fourmilion. Le scénariste modifia son script lorsqu'il apprit grâce aux recherches menées par la N.A.S.A. que la température sur Mars était plus basse qu'il ne l'avait imaginée, revoyant la Planète rouge comme un monde moins hospitalier. Un autre scénariste, John C. HIGGINS, réécrit son histoire, supprimant toutes les créatures menaçantes, pour les remplacer par d'autres périls tels des boules de feu errantes, ce qui déçut son concepteur initial; le nouveau scénariste tenta aussi de se faire passer pour l'auteur de l'histoire mais Ib MELCHIOR put prouver qu'il avait procédé au dépôt légal de sa création quelques mois plus tôt et la production le rétablit dans ses droits. La seule créature indigène qui subsiste sur Mars est un singe « martien », se substituant au tatou tricorne initial – animal qui n'est pas davantage exotique, un tatou cornu, Peltephilus, ayant réellement existé. Ib MELCHIOR avait indiqué lors de la préproduction les endroits de la Vallée de la Mort qui correspondaient aux paysages des scènes martiennes mais dut se consacrer à la réalisation de THE TIME TRAVELERS d'après son propre scénario basé sur une idée d'un ancien magicien, David HEWITT; il fut par la suite meurtri d'apprendre que Byron HASKIN (LA GUERRE DES MONDES de 1953 – WAR OF THE WORLDS – produite par George PAL) s'accaparait les mérites du choix des lieux de tournage, et déniait de créditer Ib MELCHIOR du scénario, à l'exception du titre; révulsé par l'attitude du réalisateur, il ira jusqu'à contester vertement lors d'un entretien mené en 1988 par Tom WEAVER pour son livre sur les auteurs de films de série B (petites et moyennes productions) de science-fiction et d'horreur, la version d'HASKIN relatant que son scénario originel était fourni en monstres. Malgré tout, Ib MELCHIOR se montra assez satisfait du film; même s'il regretta que l'évadé conserve son statut d'esclave alors que le scénariste tenait à ce que la rencontre avec le Terrien se fonde sur l'égalité et le respect mutuel.
















Les périls promis à Robinson Crusoe sur Mars après réécriture: des boules de feu, de la lave, des pierres au pouvoir régénérateur.

 Paysage repéré par Ib MELCHIOR pour sa ressemblance avec Mars.

Un vaisseau extraterrestre inspiré ouvertement de ceux du film LA GUERRE DES MONDES (WAR OF THE WORLDS) réalisé précédemment par le même réalisateur, Byron HASKIN.

Deux naufragés sur Mars.

THE TIME TRAVELLERS, inspiré par le roman LA MACHINE A EXPLORER LE TEMPS (THE TIME MACHINE) d'Herbert George WELLS, propulse des scientifiques dans un futur dévasté par un holocauste nucléaire, dans lequel les derniers survivants sains se sont réfugiés dans une cité souterraine afin d'échapper aux mutants tombés dans la sauvagerie. Ils parviennent à regagner leur époque, mais ils découvrent leurs propres doubles figés dans leur laboratoire, un des mutants ayant endommagé le portail par un projectile. Ils vivent en fait dans un temps accéléré et doivent se projeter dans un futur très lointain où la machine encore intacte s'était brièvement arrêtée initialement, y retrouvant une vie normale sur une Terre redevenue habitable, même si l'épilogue laisse entendre que le flux du temps pourrait après tout s'être emballé dans un phénomène cyclique. Suite à des difficultés avec des figurants qui désiraient être mieux payés pour soulever des objets lourds, Ib MELCHIOR les renvoya et recruta pour les remplacer toutes les parents et amis que l'équipe put réunir. L'éditeur de revues de cinéma Forrest J. ACKERMAN fit une courte apparition dans le film dans le rôle d'un technicien. Le film fut distribué en double programmation par L'AIP de Samuel ARKOFF avec une production japonaise précédemment citée, ATRAGON d'Inoshiro HONDA.

Comme pour ANGRY RED PLANET, Ib MELCHIOR retoucha un scénario jugé inutilisable pour PLANET OF THE VAMPIRES, dirigé par l'Italien Mario BAVA, dont, comme pour ROBINSON CRUSOE ON MARS, le réalisateur se vit attribuer tous les mérites. Tourné en Italie, le film est souvent considéré (avec IT! THE TERROR FROM BEYOND SPACE et son monstre carnivore terrorisant un vaisseau spatial) comme un devancier d'ALIEN, avec cet équipage découvrant sur une planète hostile l'épave d'un aéronef contenant le squelette d'une grande créature extraterrestre, victime des parasites immatériels, qui entreprennent de posséder les explorateurs humains en ressuscitant les morts.

Une nouvelle de 1958 inspirée par un accident mortel sur un rallye automobile, THE RACER, a quant à elle été acquise par le producteur Roger CORMAN pour servir de base au film LA COURSE A LA MORT DE L'AN 2000 (DEATH RACE 2000) et, en dépit de la réputation de pingrerie qu'on lui prête, celui-ci lui versa aussi des droits pour la suite, DEATHSPORT, qui n'en était inspirée qu'indirectement. En dépit de son titre qui suggère un film ultraviolent au premier degré, l'adaptation cinématographique est un mélange réussi d'action, de satire des médias poussant le divertissement à ses limites et de thriller politique futuriste, avec Harriet Medin dans le rôle de Thomasina Paine, la principale opposante à l'autocrate dirigeant les Etats-Unis après une guerre avec la France, descendante du révolutionnaire Thomas Paine, qui dans sa dignité outragée n'est pas sans rappeler étonnamment une figure française du gaullisme, Marie-France Garaud, tandis que le rôle principal échut à David Carradine, Peter Fonda n'ayant pas voulu interrompre ses vacances - on y voit aussi Sylvester Stallone arborant le chapeau qui le rendra célèbre dans Rocky ; quant à Don Steele, il incarne le présentateur cabot Junior Bruce qui évoque beaucoup les insupportables histrions incarnés par l'acteur français Christian Clavier, tout à son exaltation de la violence automobile dont il est lui même ironiquement victime dans l'épilogue.


UN APPORT MÉCONNU A LA SCIENCE-FICTION TÉLÉVISUELLE

Ib MELCHIOR est aussi retourné vers le milieu télévisuel pour y développer ses idées de science-fiction, avec des fortunes diverses. Il avait eu au début des années 1960 l'idée d'adapter dans un cadre futuriste des classiques, tels LES VOYAGES DE GULLIVER et L'ILE AU TRÉSOR, ou encore ROBINSON CRUSOÉ, précédemment évoqué. Il avait ainsi écrit le pilote d'une série télévisée transposant dans l'espace les aventures des ROBINSON SUISSES (SWISS FAMILY ROBINSON), qu'il avait avec le soutien du producteur de TIME TRAVELLERS adressé à plusieurs producteurs indépendants et à la chaîne CBS, sans que William REDLING put recevoir la moindre réponse de cette dernière. Alors qu'Ib MELCHIOR était en discussion avec la société AIP de Samuel ARKOFF qui avait déjà produit ANGRY RED PLANET, JOURNEY TO THE SEVENTH PLANET ainsi que REPTILICUS, et qui produisit cette année-là THE TIME TRAVELLERS, Ib MELCHIOR découvrit que cinq mois après avoir déposé légalement le scénario de THE SPACE FAMILY ROBINSON, la chaîne CBS avait faît enregistrer le même scénario, avec les dialogues et scènes pratiquement identiques, sous la signature du producteur Irwin ALLEN – qui avait produit ANIMAL WORLD évoqué dans l'hommage à Ray HARRYHAUSEN – et Shimon WHINCELBERG, avant de le renommer rapidement PERDUS DANS L'ESPACE (LOST IN SPACE); les ressemblances étaient si manifestes que les professionnels furent convaincus qu'Ib MELCHIOR avait vendu les droits de son histoire. La production de la série PERDUS DANS L'ESPACE par CBS amena l'annulation du projet concurrent trop similaire par l'AIP de Samuel ARKOFF. Ib MELCHIOR consulta trois avocats qui convinrent que le studio s'était sans conteste accaparé son scénario, mais tous lui déconseillèrent fortement de mener une action en justice, estimant que celle-ci nuirait à la réputation d'un nouveau venu à Hollywood et l'empêcherait probablement d'y être à nouveau engagé.


PERDU DANS L'ESPACE CRUEL D' HOLLYWOOD...

PERDUS DANS L'ESPACE devint ainsi une des séries qui firent la popularité du producteur Irwin ALLEN avec VOYAGE AU FOND DES MERS (VOYAGE TO THE BOTTOM OF THE SEA) et AU CŒUR DU TEMPS (THE TIME TUNNEL), et une nouvelle fois, Ib MELCHIOR se trouva frustré de la reconnaissance qu'aurait du lui assurer son travail.

Il crut cependant se voir officiellement crédité pour son scénario lorsque la série fut portée sur grand écran (avec force images de synthèse) en 1998 par le studio Prelude Pictures, associé de la société New Line cinema (LES GRIFFES DE LA NUIT/NIGHTMARE ON THE ELM STREET, THE HIDDEN), ses représentants ayant eu l'élégance de convenir qu'il était à l'origine de la série, et il fut engagé comme conseiller, s'attachant à corriger des invraisemblances scientifiques. Cependant, New Line Cinema acquit par la suite le projet à son bénéfice exclusif, et aucune somme ne lui fut versée, la compagnie considérant ne pas être tenue par les arrangements contractés avec la société l'ayant initié. Le scénariste décida d'entamer une action en justice pour se voir enfin réhabilité dans ses droits mais les deux compagnies se renvoyèrent la responsabilité et les juges statuèrent qu'il n'existait pas d'accord formel entre les actuels producteurs et Ib MELCHIOR. Celui-ci espérait désespérément toucher des revenus, ayant de fortes dépenses de santé suite à une opération à cœur ouvert et l'implantation d'un pace-maker. Après différents recours qui furent autant d'échecs, Ib MELCHIOR toucha finalement 90 000 dollars, mais il n'obtint pas les 2% sur les bénéfices du film qui lui avaient été promis. Un peu ironiquement, la Compagnie New Line remit à Ib MELCHIOR à l'issue de la soirée donnée pour la première de PERDUS DANS L'ESPACE une photo-montage de l'affiche avec son portrait ornant le robot du film.

Ib Melchior tardivement "replacé" dans la saga de PERDUS DANS L'ESPACE.

Il existe aussi une certaine présomption qu'Ib MELCHIOR soit à l'origine de la célèbre série STAR TREK, celui-ci ayant proposé le sujet, co-écrit avec l'acteur Victor LUDIN (l'interprète du «Vendredi» extraterrestre de ROBINSON CRUSOE OF MARS), d'un capitaine de vaisseau assisté d'un extraterrestre parcourant l'univers, «là où l'homme n'est jamais allé», sous le nom de STARSHIP EXPLORER (initialement sous le titre de «Colombus of space») qu'il avait proposé à Gene RODDENBERRY; ce dernier se montra fort enthousiaste et déposa finalement l'idée quelques mois plus tard, sans aucune mention de l'auteur de l'idée originale, son nom disparaissant ainsi de la plus célèbre série de science-fiction.

montage montrant Ib MELCHIOR devant les deux séries qu'il a initiées et qui sont devenues célèbres sans lui, expérience malencontreuse qu'il a souvent endurée au cours de sa carrière au service de la science-fiction.

Ib MELCHIOR avait toutes ces déconvenues en tête lorsqu'il proposa à la fin des années 1990 le scénario ZAPPP, projet de téléfilm comique qui ne trouva pas preneur portant sur un producteur de films peu scrupuleux.

A la télévision, le scénariste œuvra aussi ponctuellement sur la série OUTER LIMITS, en écrivant l'épisode THE PREMONITION qui se base sur une anomalie temporelle, le temps qui se fige subitement comme dans THE TIME TRAVELLERS. Les passagers d'un avion découvrent le futur immédiat et la mort d'un proche suite à un accident de voiture qu'il va falloir empêcher très rapidement sitôt ceux-ci revenus dans le flux normal du temps. Ils découvrent aussi un être prisonnier du même interstice temporel, surnommé «Limbo» qui est d'apparence humaine, alors que le scénariste aurait souhaité lui conférer un aspect plus nébuleux. L'interruption de la seconde saison de la série ôta à Ib MELCHIOR la possibilité d'accorder son concours à d'autres épisodes potentiels.

Un certain nombre de projets d'Ib MELCHIOR ne virent jamais le jour. Parmi ceux-là, CYBORG XM-1 dans lequel il devait être question de l'exploration de Mars par le premier être humain, aidé dans sa mission par des implants cybernétiques. Il y était confronté à une vie foisonnante, telles des limaces géantes ressemblant à des asticots, et des organismes saprophytes pourvus de tentacules.

Le décès quelques mois auparavant de son épouse - l'architecte Cleo BALDON avec laquelle il avait écrit deux ouvrages en rapport avec l'architecture - l'avait, comme pour l'acteur Peter CUSHING, beaucoup éprouvé, lui faisant perdre l'envie de mener à bien de nouveaux projets.

Ib MELCHIOR avait œuvré dans l'audiovisuel et également mené une carrière en tant qu'écrivain, ayant été publié dans 25 pays; à ce dernier titre, il est l'auteur aussi bien de romans à succès inspirés de la guerre, d'une pièce basée sur l'histoire du Viking Amled, personnage qui avait inspiré la pièce HAMLET de SHAKESPEARE - lui-même se déguisa à l'occasion en Viking pour l'anniversaire de son fils - laquelle lui valut en 1982 le prix Hamlet de l'excellence décerné par la société Shakespeare d'Amérique, a traduit et narré des contes de Hans Christian ANDERSEN dans une cassette, et écrit dans de nombreux magazines, américains comme «Life», et également européens. Même si les films de science-fiction auquels il a participé ne sont généralement pas des œuvres majeures, c'est peut-être ce domaine qui lui avait valu en 1976 l'attribution d'un Golden Scroll (distinction rebaptisée depuis Saturn Award) par l'Académie des films de science-fiction, fantastiques et d'horreur, qui lui assurera une certaine postérité.


Disparition d'un « mordu des monstres »...


L'acteur Richard DYSART, né le 30 mars 1929 à Boston, s'est éteint à l'âge de 83 ans le 5 avril 2015. Son physique un peu austère le prédisposait à interpréter des médecins, des entrepreneurs et des hommes politiques un peu ombrageux. Il servit quatre ans au sein de l'U.S. Air force durant la guerre de Corée, puis entama une carrière de comédien. Il était un membre fondateur du conservatoire américain de théâtre de San Francisco. Il apparaît une première fois sur les écrans en 1953 dans un épisode de la série historique YOU ARE THERE, sous les traits du général américain Benedict ARNOLD, considéré comme un traître pour avoir rallié la cause de l'Angleterre lors de la Guerre d'indépendance. Dans les années 1960, il apparaît dans de nombreuses productions télévisuelles, notamment des séries, puis au cinéma à la fin de la décennie. Il joue ainsi en 1975 dans L’ODYSSÉE DU HINDENBURG. En 1979, il est à l'affiche de plusieurs films, incarnant un médecin sympathique dans un des derniers films du comique Peter SELLERS, BIENVENUE MISTER CHANCE (BEING THERE), le secrétaire de la Défense dans le film-catastrophe METEOR, et l'industriel Isely dont l'usine répand inconsidérément du mercure dans une réserve indienne avant de s'amender tardivement une fois les effets pleinement avérés, à la manière du scientifique incarné par Kevin McCARTHY dans PIRAHNAS l'année précédente, dans PROPHECY, LE MONSTRE, adaptation du roman de David SELTZER inspiré de la catastrophe de Minamata au Japon où des villageois ont été très gravement intoxiqués par une industrie locale. Dans THE THING de John CARPENTER, il incarne le docteur Copper, un médecin un peu bourru mais humaniste, dont la singularité se traduit par une minuscule boucle dorée dans le nez; l'une des scènes marquantes le voit s'affronter au chef de la station Garry (Donald MOFFAT), chacun étant soupçonné d'avoir détruit la réserve de sang qui eut pu permettre de réaliser un test pour déceler l'imposteur extraterrestre qui a investi une station de l'Antarctique. Dans WARNING SIGN qui traite de risques biologiques, il incarne de nouveau un médecin. Richard DYSART interprétera après METEOR plusieurs éminents représentants de l'état, le puissant chef du FBI Edgar J. HOOVER (PANTHER et MARILYN AND BOBBY: HER FINAL YEARS), le Général EINSENHOWER (CHURCHILL AND THE GENERALS et THE LAST DAYS OF PATTON) et le président TRUMAN (THE WIND OF WAR et TRUMAN). Il endosse à l'occasion l'habit du western dans le rôle d'un entrepreneur peu scrupuleux Coy LaHood en 1985 dans LE CAVALIER SOLITAIRE (PALE RIDER), où avec une économie de moyens, il parvient à se rendre très antipathique, et plus fugitivement dans RETOUR VERS LE FUTUR 3, dans lequel son personnage de barbier blasé recueille les confidences sentimentales du Docteur Brown dévasté (Christopher LLOYD) avant de les reporter à un passager d'un train, changeant la destinée des personnages. Pendant près d'une décennie, de 1986 à 1994 pour la série télévisée LA LOI DE LOS ANGELES (L.A. LAWW), puis dans l'adaptation cinématographique de 2002, il a endossé le rôle de Leland McKenzie, un directeur de cabinet d'avocat qui révèle notamment son humanité lorsqu'il a la charge de conseiller un employé mentalement handicapé interprété par Larry DRAKE (vu dans la série AU DELÀ DU RÉEL, L'AVENTURE CONTINUE et le téléfilm LA BÊTE dans lequel il incarne un pêcheur intrépide).

Le personnage du docteur Robert Verne interprété par Robert FOXWORTH tente de convaincre Isely (Richard DYSART) de cesser de polluer une réserve indienne dans PROPHECY de John FRANKENHEIMER.

Il faudra toute la conviction inébranlable de cette ourse mutante pour que l'industriel revoit sa position.

 Détail de l'affiche du film PROPHECY.

Richard DYSART dans THE THING dans le rôle du Docteur Copper, un médecin confronté en Antarctique à une horreur qui glace encore plus le sang que la température.

Le personnage de Copper dans l'adaptation non officielle en bande dessinée du film, suspecté d'avoir lui-même détruit les réserves de sang, base possible d'un test pour déterminer quels membres de l'équipe sont des imposteurs extraterrestres; une mise en cause lourde d'implications..

LaHood et le chef de ses tueurs à gage du CAVALIER SOLITAIRE de Clint EASTWOOD : peut-être le plus odieux des personnages interprétés par Richard DYSART

Les passionnés d'horreur se souviennent de la fameuse scène de THE THING dans laquelle son personnage se fait arracher les bras par la créature qui avait pris l'apparence de Norris (Charles HALLAHAN); le plan général avait en fait été effectué par une doublure victime d'un accident du travail, porteur d'un masque à l'effigie de l'acteur et pourvu de deux bras en gélatine sectionnés par le mécanisme portant la mâchoire apparue dans le ventre du personnage victime d'une crise cardiaque que le docteur tentait de faire revivre. Curieusement, quelques années plus tôt dans PROPHECY LE MONSTRE, son personnage d'Isely, enfin persuadé des terribles mutations engendrées par le mercure, venait en aide à ceux qui tentaient de lutter contre l'ours mutant enragé, et il se faisait sectionner ses deux jambes par les crocs de la créature vengeresse. Se faire amputer de tous ses membres dans des films de monstres, voilà qui prouve un vrai dévouement au genre.

Autre acteur disparu deux jours plus tard, Geoffroy LEWIS avait participé à sept films de Clint EASTWOOD et était apparu à l'occasion dans quelques films de science-fiction : LA NUIT DE LA COMETE (NIGHT OF THE COMET) en 1984 sur une attaque de mutants, LE COBAYE (THE LAWNMOWER MAN) en 1992 sur la réalité virtuelle et L'HOMME SANS VISAGE (THE MAN WITHOUT A FACE) en 1993, drame sur un homme cryogénisé servi par une belle musique de Jerry GOLDSMITH. Il avait aussi incarné un mystérieux cyborg dans le téléfilm ANNIHILATOR, pilote sans suite d'une série dans lequel le personnage principal découvrait que toutes les femmes qu'il connaissait avaient été remplacées par des doubles robotisés aux intentions homicides. Son regard qui s'illuminait dans l'obscurité rappelait son personnage de vampire dans LES VAMPIRES DE SALEM (SALEM'S LOT) réalisé en 1979 par Tobe HOOPer, mini-série condensée en film, dans laquelle ses yeux brillants dans l'ombre indiquaient aussi sa nature à présent surnaturelle. Il venait de tourner dans un drame sportif, HIGH AND OUTSIDE, financé à travers le site participatif Kickstarter, dont on a parlé à props d'HARBINGER DOWN.

*avec Alex TOTH, auteur des storyboards de THE ANGRY RED PLANET, dont on peut voir quelques œuvres sur ce lien: http://storyboardsecrets.com/blog/alex-toth-storyboard-artist-super-friends-hanna-barbera/