jeudi 16 mai 2013

A LA RECHERCHE DU SINGE PARFAIT


L'EVOLUTION DES COSTUMES DE SINGES AU CINÉMA  seconde partie

Après l'article du mois précédent*, en avril 2013, traitant des précurseurs de la création de costumes de singes pour le cinéma, jusqu'à ceux de LA PLANÈTE DES SINGES et 2001, L’ODYSSÉE DE L'ESPACE, la saga se poursuit et s'achève par les maquilleurs contemporains.

Des gorilles dans la nature? Non des interprètes costumés dans le film INSTINCT, un des nombreux exemples de grands singes recréés par les magiciens des effets spéciaux au cinéma

Passionné par les singes anthropoïdes, le jeune maquilleur Rick BAKER s'était fixé l'objectif de "créer le singe parfait", et y consacrera une part importante de sa carrière. Il a l'occasion de s'y atteler dès 1971; sur le film SCHLOCK ( sorti en 1973), c'est le réalisateur John LANDIS qui endosse lui-même le costume de chaînon manquant simiesque créé par le maquilleur pour cette comédie. Quatre pièces de mousse sont utilisées pour la tête, pourvue d'une mâchoire articulée, et LANDIS se voit aussi doté d'une poitrine en caoutchouc. La vague de chaleur lors du tournage met à rude épreuve le costume, la transpiration de l'acteur amenant la fourrure postiche à se décoller régulièrement; le maquilleur en tirera la conclusion qu'il convient de toujours disposer de pièces de rechange sur un tournage impliquant des maquillages spéciaux.

Le film LA CHOSE A DEUX TÊTES ( THE THING WITH TWO HEADS ) de 1972 comporte parmi les expériences d'un savant fou un gorille pourvu de deux têtes à l'instar du personnage éponyme, lesquelles furent sculptées en un seul jour avec le concours de son ami Doug BESWICK - ( futur concepteur du modèle miniature du squelette du Terminator du film homonyme ). Rick BAKER ne disposa que de deux semaines pour réaliser le costume. Il conçut des gants s'étendant jusqu'au coude de manière à ce que le raccord avec le costume soit moins facilement décelable par le spectateur.

Double ration de bananes pour LA CHOSE A DEUX TÊTES.

Sur le remake de KING KONG (1976), Rick BAKER collabore, plus ou moins bien, avec Carlo RAMBALDI pour la création du costume de singe qu'il doit revêtir au milieu de décors miniatures, la version mécanique géante créée par les équipes du spécialiste d'effets spéciaux italien et celles de Glenn ROBINSON n'apparaissant finalement que très fugitivement dans le film. Rick BAKER intègre des sous-couches musculaires en mousse collées sous le costume pour respecter la morphologie du gorille, et revêt le personnage d'une peau en mousse de latex capable de suivre naturellement les mouvements. 


Rick BAKER avec les sous-couches du costume de KING KONG, sans le revêtement extérieur.

Le maquilleur conçoit une tête dotée d'autonomie, mais c'est l'option d'une version animée par des câbles qui est retenue. Différentes têtes sont sculptées pour permettre des expressions spécifiques, l'une assurant la plupart des expressions, la seconde affichant une mine colérique, la troisième ouvrant largement la bouche pour les rugissements et la dernière permettant le gonflement des joues pour la séquence dans laquelle le singe géant sèche avec son souffle le corps mouillé de l'actrice Jessica LANGE. Les muscles artificiels recouvrant le crâne sont animés par des câbles hydrauliques d'une douzaine de mètres passant au travers des pieds du singe recouverts de latex, et animés par des opérateurs hors-champ. A chaque câble exerçant une action correspond un autre câble remettant en place le mécanisme. Pour accentuer la ressemblance avec un grand singe, Rick BAKER portait des lentilles de contact qui le firent considérablement souffrir, mais son souhait de reproduire au plus près la gestuelle d'un véritable gorille fut par contre refrénée par la production, sans doute par continuité avec l'idée initiale d'en faire une sorte d'hominidé préhistorique auquel sa démarche se rattache davantage.


Rick BAKER sous le costume de KING KONG.

BAKER utilise l'année suivante le résultat de sa recherche sur le prototype aux mécanismes internes qu'il avait initialement effectuée pour le remake de KING KONG sur un des sketchs de HAMBURGER FILM SANDWICH (THE KENTUCKY FRIED MOVIE), incarnant un gorille - surnommé Dino - perturbant le plateau d'une émission de télévision, qu'affronte John LANDIS.


Un gorille s'invite sur un plateau, peut-être attiré par le fumet d' "hamburger".

Pour LA FEMME QUI RÉTRÉCIT ( THE INCREDIBLE SHRINKING WOMAN ), comédie de 1981, Rick BAKER s'applique à se rapprocher davantage de l'anatomie d'un vrai gorille; il le dote d' extensions pour allonger les bras de manière à lui conférer une allure quadrupède, tandis que sa poitrine est constituée d'une partie dure pour constituer sa poitrine et d'une plus molle pour l'estomac, de manière à ce que les mouvements permettent de laisser entrevoir une cage thoracique réaliste. Revêtant lui-même le costume, il s'ingénie à imiter au plus près la gestuelle d'un vrai singe. Plusieurs têtes sont construites, dont l'une aux mécanismes internes.

Rick BAKER cherche un peu de compréhension.

Sur GREYSTOKE (1984), il a pour la première fois la charge de réaliser un grand nombre de singes mais s'attache néanmoins à ce que chaque animal se voit créditer d'une physionomie distincte de manière à les individualiser. La tête animée par câble est capable d'exprimer différentes émotions, avec notamment un grand nombre d'articulations des sourcils pour conférer plus de variété dans l'expressivité. Amener à former des débutants, il avouera avec dû faire des heures supplémentaires pour reprendre les résultats jugés parfois peu satisfaisants des apprentis.


Rick BAKER entouré des sculptures des modèles de GREYSTOKE. 

Pour HARRY ET LES HENDERSON ( HARRY AND THE HENDERSONS ) en 1987, Rick BAKER profite du crâne oblong de l'anthropoïde sauvage légendaire connu sous le nom de "Bigfoot" pour y loger les servo-moteurs radio-commandés. Il existe deux versions totalement mécanisées, l'une permettant de sourire, l'autre assurant les mouvements de mâchoire et des sourcils. Kevin Peter HALL ( interprète du monstre de PREDATOR ) disposait d'un costume refroidissant. Le film lui vaudra finalement l'Oscar du maquillage, en dépit des réticences de la corporation, qui contestait ce statut en raison de la présence de ces dispositifs mécaniques.


L'armature du Bigfoot, révélant notamment l'articulation du sourcil.

Le résultat, l'étonnante expressivité d'Harry.

Avec l'adaptation à l'écran en 1988 de la biographie de Dian FOSSEY, qui a consenti jusqu'au sacrifice de sa vie afin de sauvegarder les gorilles de montagnes, GORILLES DANS LA BRUME (GORILLAS IN THE MIST), Rick BAKER aboutit dans sa recherche, en signant une réussite éclatante : il est totalement impossible de distinguer à l'écran ses faux singes des vrais animaux employés sur le tournage, de telle sorte que les spectateurs sont toujours très surpris d'apprendre que des gorilles factices ont été utilisés, l'équipe ayant veillé à ce que la transition avec les véritables gorilles filmés coïncide parfaitement avec les faux animaux créés par BAKER - plus particulièrement deux costumes principaux, ceux de "Digit" et "Simba" - animés au sein même de la jungle kényane.

Leur tête conçue par BAKER est entièrement mécanisée, les mécanismes étant placés au-dessus et à l'avant, tandis que les yeux de l'acteur se trouvent au niveau de la bouche, en arrière. L'utilisation d'yeux radiocommandés permet de restituer la distance exacte entre les yeux d'un vrai gorille, à la différence d'yeux humains d'un acteur portant des lentilles. Une fausse musculature est ajoutée aux jambes pour donner l'impression d'être plus fortes et plus courtes, et les interprètes sont aussi dotés d'un faux pelvis. Des perles sont ajoutées sous la peau pour reproduire la chair de poule que les gorilles présentent dans cette zone.


Le mime John ALEXANDER se prépare au tournage, enfilant d'abord le costume avec les sous-couches figurant l'anatomie du grand singe, puis la parure avec la fourrure; on peut distinguer à l'arrière du crâne le support sur lequel vient s'insérer la tête animatronique.

John ALEXANDER costumé incarnant Digit, l'ombrageux mâle dont Dian FOSSEY (interprétée par Sigourney WEAVER) avait gagné la sympathie, ou l'art du faux poussé à son paroxysme.

Les bébés gorilles ont été réalisés de trois manières, par l'utilisation de marionnettes à main pourvues d'un visage et d'yeux radiocommandés, par le recours au procédé dit "slave system" qui reproduit le mouvement d'un animateur sur un modèle robotisé, et par l'emploi de deux bébés chimpanzés revêtus de costumes de gorilles - bien qu'un prototype ait été créé par le maquilleur William ( dit Bill ) MUNNS, un spécialiste des maquillages pour animaux, c'est finalement la maquilleuse Camilla HENNEMAN qui conçut les costumes avec l'aide de Stuart ARTINGSTALL pour la fourrure. 


Version marionnette en cours de finition pour GORILLES DANS LA BRUME.


Une tête mécanisée de bébé.

Une scène criante de vérité..

Rick BAKER a par la suite l'occasion de réitérer l'expérience avec de nouveaux gorilles. En 1993, la comédie BÉBÉ EN VADROUILLE ( BABY'S DAY OUT ) comporte un faux gorille, ainsi qu'un faux bébé humain animatronique.

Baby-sitter improvisé pour bébé en vadrouille.

Pour le remake de MR JOE (MIGHTY JOE YOUNG) en 1998 - l'original avait utilisé la technique de l'animation image par image - le film utilise en alternance des robots géants animés par télécommande correspondant à différentes postures, une tête géante animatronique, et un mime dans un costume très sophistiqué ( ainsi que quelques plans virtuels pour la course de l'animal ).


Version animatronique géante pour les gros plans avec l'actrice (ci-dessous).

A la différence de GORILLES DANS LA BRUME, le film INSTINCT (1998), dans lequel Anthony HOPKINS compose un personnage de misanthrope préférant la compagnie des grands singes à celle de ses semblables, n'emploie que des faux Gorilles.


Le costume d'un ami d'Anthony HOPKINS.

Tête mécanisée.

La production du remake de LA PLANÈTE DES SINGES (PLANET OF THE APES ) connut quelque aléas. Rick BAKER qui avait déjà été contacté au temps où Oliver Stone devait diriger le film, en fut évincé lorsque le projet fut repris sous l'égide d'Arnold SCHWARZENEGGER qui voulait confier les maquillages à son ami de longue date Stan WINSTON (voir plus bas). Lorsque finalement Tim BURTON fut engagé en 2010, l'équipe de BAKER, qui hérita des effets spéciaux, dut relever le défi de mener à bien une tache considérable en seulement trois mois.

Trois types de masques furent produits: un modèle fixe en caoutchouc pour les arrières-plans, un en mousse de latex capable de mouvements sommaires pour les plans intermédiaires, et un troisième constitué d'un ensemble de prothèses pour les personnages principaux. Un jeu de fausse dents repoussant la bouche en avant, avec lèvres collées sur celles des acteurs, permit à ces derniers de conserver toutes leurs aptitudes d'expression. Malgré l'anthropomorphisation des personnages, les gorille furent pourvus d'un bloc de mousse sculpté pour reproduire le plus fidèlement l'imposante musculature de ces animaux.





Si Rick BAKER s'est efforcé de respecter la morphologie de l'acteur David WARNER qui, en dépit de son nez allongé, interprète un orang-outan, ce qui en fait un singe anthropomorphisé assez surprenant (en haut), le maquilleur a aussi conçu quelques vieux mâles saisissants plus proches du modèle.

L'ÉMULATION DANS L'EXCELLENCE

Avec les contributions du maquilleur Rick BAKER, et notamment celles de GORILLES DANS LA BRUME qui réussit l'exploit de rendre indiscernables les animaux factices des véritables gorilles utilisés par la production, l'intérêt pour la création de maquillages ultra-réalistes de singes pour l'écran ne décroît pas. Au contraire, Stan WINSTON, s'appuyant sur les avancées de Rick BAKER, se montre désireux de se mesurer à ce grand rival, et, au moment où Rick BAKER cherche à diversifier ses réalisations comme avec les maquillages d'extraterrestres des MEN IN BLACK, Stan WINSTON se porte volontaire pour concevoir les gorilles du film CONGO ( 1995 ), basé sur un roman de Michael CRICHTON.

Les gorilles tueurs à la fourrure grise appartenant à une espèce inventée par l'écrivain, Stan WINSTON a opté pour des comédiens portant des lentilles. Pour les gorilles de montagne qui sont également recrées à l'écran, il a par contre repris le procédé éprouvé par Rick BAKER pour une restitution fidèle de leur morphologie, au travers de l'utilisation de faux yeux animés par télécommande, des fibres optiques placés dans les narines du masque assurant la vision de l'interprète. La tête est en silicone afin de permettre toutes les expressions, tandis que le corps est en mousse de latex. Un système de retour de force par air comprimé installé dans les extensions pour les bras permet la saisie réelle d'objets.

Costume d'un des "méchants" de CONGO.

Le personnage d'Amy, un jeune gorille de montagne qui accompagne l'expédition, a en fait été pourvu des traits d'un gorille des plaines, à la physionomie moins austère. Une tête animatronique a été créée de manière à obtenir la plupart des expressions requises, y compris la capacité d'allonger les lèvres et de les rétracter à partir des côtés comme le font les singes, grâce à une télécommande spécifique. Deux autres têtes ont été conçues en complément pour Amy, l'une pour le hurlement et une autre mécanisée conçue pour être portée par un interprète de plus grande taille lors d'une scène d'action. Le costume est constitué d'une couche dure pour la cage thoracique et les muscles et d'une seconde en mousse.


Tête animatronique d'Amy. C'est la compagnie Alterian Studio du maquilleur Tony GARDNER qui s'est chargé de l'insertion des poils.

Préparation du costume d'Amy.


La jungle de CONGO a aussi été pourvue de superbes hippopotames mécaniques, et on ne peut une fois encore que regretter qu'un tel perfectionnisme appliqué à la recréation du bestiaire ne soit employé également pour la conception d'êtres imaginaires crédibles au lieu des images de synthèse qui ont envahi les films de science-fiction.






Tête de singe (haut) et Stan WINSTON lui-même grimé pour un essai lorsqu'il était pressenti pour le remake de LA PLANÈTE DES SINGES. Il affirmait avoir alors mis au point avec son fils Matt un procédé d'animation très complète de la face reposant entièrement sur un jeu de prothèses mobiles, sans aucun dispositif mécanisé.

Creature shop, le studio d'effets spéciaux fondé par Jim HENSON autour de la marionnetterie afin de concevoir les personnages fantaisistes nécessaires, dont la réputation lui a valu d'être engagé sur d'autres productions que celles de son initiateur - voir article de mai 2010, a aussi saisi le défi de donner vie à des singes réalistes en s'appuyant sur son expérience, notamment pour MON COPAIN BUDDY (BUDDY), film de 1997 inspiré par l'histoire vraie d'un couple de New-Yorkais ayant transformé leur appartement en véritable ménagerie, celle-ci abritant notamment le gorille autour duquel tourne l'intrigue.

Plusieurs couches de latex ont été utilisées pour reconstituer fidèlement la musculature de l'anthropoïde. Deux têtes interchangeables à la peau en silicone ont été construites afin de pallier aux pannes éventuelles, tandis qu'un jeu d'extensions de bras a été conçu afin de permettre l'exécution de différentes fonctions.

Une marionnette en silicone radiocommandée a aussi été créée afin de donner vie à un bébé miniature capable d'exprimer un grand nombre d'expressions et de mouvoir les yeux, la bouche, les lèvres et les narines, en dépit de l'espace restreint pour abriter les mécanismes.

Une version du singe a aussi été réalisée par l'équipe de Steve JOHNSON ( GHOSTBUSTERS, ABYSS, LA MUTANTE ) pour la scène de dissection.
Les mécanismes internes de la tête de BUDDY

La même année, Creature shop concevait aussi les gorilles de GEORGES DE LA JUNGLE (GEORGE OF THE JUNGLE), mais le côté parodique du film et donc son moindre souci de réalisme a permis cette fois de conserver les yeux des figurants au travers du masque.

L'équipe de Carlo RAMBALDI s'attelle à la création de nouveaux costumes de gorilles pour la suite de KING KONG intitulée KING KONG LIVES. Des câbles de 4,5 mètres, probablement les plus longs conçus pour l'animation d'une tête, permettent à six manipulateurs d'actionner des leviers d'un mètre vingt de long, commandant 12 mouvements. ( vérifier ). Les lentilles portées par les acteurs étaient constituées de plastique rigide, rendant l'exercice assez peu plaisant - les lentilles souples ont pourtant été inventées dès la fin des années 1970 par le maquilleur Maurice SEIDERMAN, mais leur version colorée semble n'avoir été mise au point que beaucoup plus tard. 

Carlo RAMBALDI veille à la bonne tenue de la fourrure d'une tête contrôlée par câble de KING KONG 2.

Apprenti de Rick BAKER, Rob BOTTIN a lui aussi livré sa version d'un grand singe anthropoïde au travers du protagoniste lubrique de LA BÊTE D'AMOUR (TANYA'S ISLAND) en 1980; vision de l'armature avec la mâchoire doublement articulée (ci-dessous), et le résultat à l'écran au-dessous, concrétisant des étreintes exotiques...




Sur LINK, un thriller sur un chimpanzé tueur, Lyle CONWAY - RETURN TO OZ, DREAMCHILD, le remake de THE BLOB -  a élaboré lui aussi un costume de singe, et maquillé un orang-outang en chimpanzé, celui-ci étant jugé plus docile pour le tournage.  

De la même façon, le maquilleur Bill MUNNS a conçu des costumes destinés à revêtir des chimpanzés et un orang-outan de manière à leur conférer un aspect de gorille, à l'occasion d'une première tentative d’adaptation de CONGO par Michael CRICHTON dès 1981, ainsi que pour une version abandonnée d'un projet concurrent de GORILLES DANS LA BRUME produit par Universal, LE CIEL ET LA TERRE (HEAVEN AND EARTH), initié en 1987 par le studio Warner Bros (http://www.billmunnscreaturegallery.com/bmcgsite_045.htm). L'artiste avait par ailleurs conçu en 1981 un singe totalement robotisé, avec des lèvres mobiles donnant l'impression de prononcer des mots, devant doubler un vrai chimpanzé dans certains plans, pour une série nommée DOC, mais celle-ci ne fut jamais programmée, victime elle aussi de la concurrence, due à la série MR. SMITH qui mettait également en vedette un singe parlant, en l'occurence un orang-outan qui avait été construit sous lforme d'une marionnette à main (http://www.billmunnscreaturegallery.com/bmcgsite_050.htm).  Ainsi, l'investissement de Bill MUNNS depuis 1967 pour représenter nos proches parents à l'écran dans de nombreuses productions est demeuré méconnu, et il est manifeste que l'histoire du maquillage n'a donc pas réellement rendu justice à ses talents.


Des singes anthropoïdes inutilisés créés par Bill MUNNS, challenger malchanceux et ami de Rick BAKER : le chimpanzé robotisé de la série DOC et un chimpanzé costumé en gorille.

Parmi les maquilleurs ayant conçu des singes, rappelons aussi que Michael McCRACKEN avait créé des macaques assez anthropomorphes pour le pilote de la série télévisée JAKE CUTTER (TALES OF THE GOLDEN MONKEY, 1982)  - pour lire la biographie de ce maquilleur, voir l'hommage qui lui  a été consacré suite à sa disparition en août 2011, "les tentacules de Cracken".

Michael McCRAKEN au travail sur TALES OF THE GOLDEN MONKEY, et le résultat.

Avec sa société Animated engineering spécialisée dans la création réaliste d'animaux mécaniques, Dave NELSON a conçu en 1995 un chimpanzé incroyablement réaliste pour une comédie sur le base-ball, ED mettant en vedette ce sportif inhabituel. De la glace était installée dans le costume pour refroidir l'interprète.

Ed prêt à tourner.

Si la nouvelle mouture de LA PLANÈTE DES SINGES joue la facilité en n'employant que des singes virtuels au regard vide comme le KING KONG du remake réalisé par Peter JACKSON, des créateurs d'effets spéciaux traditionnels continuent de mettre tout leur talent au service de la conception de singes très convaincants. Ainsi, Tom WOODRUFF d'Amalgamated Dynamics, a-t-il la même année créé un gorille réaliste pour la comédie ZOOKEEPER. De même sur VANILLA GORILLA, un film inspiré du gorille blanc albinos du zoo de Barcelone qui manifestait des capacités pour l'apprentissage du langage des signes, un costume a été créé par Nik WILLIAMS, et Adam KEENAN ( LE GUIDE DU ROUTARD GALACTIQUE, en version originale, HITCHIKER'S GUIDE OF THE GALAXY) s'est chargé des animatroniques, démontrant que l'emploi des trucages infographiques procède bien d'un choix délibéré et non d'une impérieuse nécessité.


Un exemple récent de superbe déguisement de gorille pour l'interprète de Bernie dans ZOOKEEPER.


Le maquilleur et interprète Tom WOODRUFF sous le costume en compagnie de son associé Alec GILLIS dans leur studio. Il est possible de soutenir leur prochaine entreprise (voir plus bas).

L'armature de la tête du gorille de ABE & BRUNO (2006), avec les yeux conçus par David BENEKE.

Malgré le perfectionnement achevé des costumes de singe, il faut par ailleurs souligner l'importance des interprètes, qui, depuis Charles GEMORA, s'appliquent à observer les primates de manière à retranscrire aussi fidèlement que possible leur gestuelle avec l'aide des effets spéciaux. Deux interprètes se sont plus particulièrement spécialisés dans les rôles de grands singes dans la période contemporaine.

L'Ecossais John ALEXANDER a été danseur, acrobate de cirque, comédien de théâtre à Londres, avant d'être engagé pour interpréter un chimpanzé dans GREYSTOKE. Il incarna ensuite bien des gorilles, en collaboration avec le maquilleur Rick BAKER, dont le fameux Digit de GORILLES DANS LA BRUME, ceux du remake de MIGHTY JOE YOUNG et BÉBÉ EN VADROUILLE, ainsi que certains personnages du remake de LA PLANÈTE DES SINGES de Tim BURTON. Il oeuvra aussi sous la direction de Stan WINSTON sur CONGO. Il a par ailleurs endossé le costume de Mickey le Martien de MEN IN BLACK, celui de Jarra dans MEN IN BLACK 2 qui laisse transparaître une part de sa physionomie véritable, été consultant sur des films comme ED et son habile chimpanzé, A COUTEAUX TIRES ( THE EDGE ) qui met en scène un ours anthropophage terrifiant, ainsi que sur RELIC et son monstre hybride, et a aussi exercé la responsabilité de chef marionnettiste sur le remake de LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS pour donner vie à la plante carnivore très volubile agencée par Lyle CONWAY.


John ALEXANDER au naturel.

L'Anglais Peter ELLIOTT, passionné depuis toujours par l'imitation d'animaux, a suivi une formation de comédien pour apprendre l'art du mouvement et la profession de clown. Après avoir exercé les professions de boxeur et plongeur, il intègre le cinéma, et joue ainsi un Néandertalien dans LA GUERRE DU FEU ( QUEST OF FIRE ). Il effectue une recherche approfondie sur le comportement des primates à l'université d'Oklahoma, et se fait même adopter par un clan de chimpanzés, avant d'interpréter le principal chimpanzé de GREYSTOKE et de se voir confier la chorégraphie du jeu des autres comédiens en costume de singe du film, distribution incluant John ALEXANDER précité. Il croise à nouveau la route de ce dernier sur OZ, UN MONDE EXTRAORDINAIRE (RETURN TO OZ), interprétant un des "Wheelers", une créature montée sur roues, tandis que John ALEXANDER incarne le Lion peureux. Il compte aussi à son actif un nombre important d'apparitions simiesques, comme le rôle-titre de KING KONG 2 et celui de BUDDY, et fait aussi partie de la distribution de CONGO, sur lequel, comme pour GORILLES DANS LA BRUME et HARRY ET LES HENDERSON, il supervise la chorégraphie. Il dispense également des cours de gestuelle animale aux élèves de la London's Central School of Speech and Drama.

Peter ELLIOTT entre deux prises.

L'industrie du cinéma n'a guère reconnu le jeu de ces deux interprètes ayant donné vie à tant de grands singes à l'écran. Et pourtant, il y eut récemment une campagne des producteurs de la Twenty century Fox réclamant qu'on attribue à l'acteur Andy SERKIS un Oscar d'interprétation pour avoir servi de modèle au principal protagoniste virtuel de la dernière mouture de LA PLANÈTE DES SINGES, LES ORIGINES ( RISE OF THE PLANET OF THE APES ), comme déjà sur le remake de KING KONG par Peter JACKSON et sur la trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX (THE LORD OF THE RINGS ), initiative qui pourrait s'interpréter comme une tentative des promoteurs du virtuel de permettre à ceux qui sont de plus en plus évincés par le s images créées par ordinateur d'avoir encore l'impression qu'ils ont un rôle majeur à jouer alors que leur importance se réduit à la portion congrue face à l'imagerie numérique.


Ni Peter ELLIOTT ( ci-dessus en costume ) ni John ALEXANDER, en dépit de la reconnaissance qu'ils ont obtenue dans le milieu du cinéma n'ont eu de récompense, et cependant ils effectuent leur prestation directement devant la caméra, sans que leur jeu soit retouché par un programme informatique. Un site anglo-saxon évoque dix interprètes, représentés en costume : 
http://mentalfloss.com/article/28031/10-gorilla-guys

Pour ma part, je confesse n'être guère émerveillé par des singes qui ne sont que des modèles virtuels obéissant à des programmes mathématiques. Les vrais magiciens sont ceux qui, par leur constante ingéniosité, et en miniaturisant à l’extrême les commandes, sont parvenus à créer des anthropoïdes plus vrais que nature, capables d'agir en temps réel devant les spectateurs, à présent en parfait autonomie.

Il est d'ailleurs possible de louer le costume de Chimpanzé vu dans le film Ed pour un effet garanti notamment pour le jeune public  : http://www.animatedfx.net/animals/chimpanzee/index.htm .


D'autres créateurs proposent également des costumes criant de vérité, comme ceux de la compagnie britannique Millenium Fx ou de son homologue espagnol Kreat Fx.

Gorilles de Millenium fx  ( en haut à gauche ) et de Kreat Fx ( à droite et en dessous ).


La compagnie australienne Odd Studio, qui a œuvré sur la série de science-fiction FARSCAPE au sein de la compagnie Creatures shop créée par Jim HENSON, réalisé d'autres costumes de monstres pour la nouvelle trilogie de LA GUERRE DES ETOILES (STAR WARS new trilogy) et MAX ET LES MAXIMONSTRES (WHERE THE WILD THINGS ARE) et construit une réplique du poisson du futur à mâchoire évaginable de l'aquarium de Sidney basé sur la série imaginée par Dougal DIXON, SAUVAGE SERA LE FUTUR (THE FUTUR IS WILD) - présentation dont il y'eut un équivalent en France au Futuroscope de Poitiers - conçoit également des costumes de grands singes, orangs-outans et chimpanzé (ci-dessous) pour des publicités (http://www.oddstudio.com/home/home.htm); sa dernière contribution se rapporte à un spot sur le retour sur Terre d'un chimpanzé envoyé dans l'espace, découvrant les conséquences du réchauffement climatique suscité par les activités humaines, en raison du regain actuel bien préoccupant pour les énergies fossiles à effet de serre.




Un spécialiste d'effets spéciaux du cinéma, George YORK, a quant à lui œuvré avec la compagnie WowWee à la commercialisation d'un buste de chimpanzé radiocommandé, nommé Alive Chimpanzé.


It's Alive ! Un buste qui ne laisse de marbre.

Dorénavant, ce n'est plus vraiment en allant au cinéma qu'on voit les créatures les plus fascinantes.


*1ère partie : https://creatures-imagination.blogspot.com/2013/04/alors-que-la-nouvelle-mouture-de-la.html 


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SOUTENEZ LES VRAIS EFFETS SPÉCIAUX ! 

Depuis 20 ans, même les producteurs qui font appel à des créateurs d'effets spéciaux "traditionnels" finissent par  couper leurs créations au montage, comme pour la préquelle de THE THING évoquée récemment. Leurs créateurs, Alec GILLIS, Tom WOODRUFF et leur société Amagalmated Dynamics, ont décidé de faire leur propre film, seul moyen d'avoir le contrôle sur le résultat final. Il s'agira d'un film d'épouvante avec Lance HENRIKSEN (ALIENS) dans lequel un navire américain découvre en Alaska les formes mutantes de Tardigrades ("ours d'eau"), petits animaux très résistants sujets à des expériences, échappés d'un satellite russe revenu sur Terre. On ne peut prédire à l'avance s'il s'agira d'un grand film ni si les monstres seront marquants, mais on peut être au moins assurés que les effets spéciaux seront de qualité puisque ces professionnels aguerris (avec à leur actif des monstres comme ceux d'ALIEN IV, TREMORS, et la créature géante de STARSHIP TROOPERS) se sont engagés à ne pas utiliser le virtuel pour donner vie à leurs créatures. On peut contribuer au financement de leur film par une petite contribution financière, selon le même principe qui vient de permettre à Jason BARNETT d'obtenir son aval pour réaliser le documentaire basé sur de nouvelles archives consacré à un des premiers grands maquilleurs d'Hollywood, Charles GEMORA (voir article précédent) :

Une créature conçue par les studios Amalgamated Dynamics, peut-être un avant-goût d'HARBINGER DOWN ?


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Tir à vue légal au Texas sur des humanoïdes mythiques



    Au Texas, la chasse au "Bigfoot" est devenue récemment légale, l'anthropoïde hypothétique pouvant être chassé puisque, sans existence officielle, il ne figure pas sur la liste des espèces disparues. Son existence, à fortiori au Texas, est hautement improbable, mais il est vrai que dans l'histoire, les espèces furent souvent inscrites sur la liste des espèces protégées quelques années seulement avant d'être exterminées, le triste scénario se répéterait donc encore une fois si jamais une créature de ce genre devait finalement être identifiée par la science officielle. En tout cas, il vaut mieux éviter de se promener en manteau de fourrure dans la nature texane, dorénavant, et on ne saurait trop conseiller aux artistes dont il a été question ci-dessus de ne s'aventurer qu'avec prudence dans ces parages (une personne ayant déjà péri pour cette raison) si l'idée d'y tourner un film leur venait...


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Disparition d'un des géants du Fantastique. 

Le grand créateur d'effets spéciaux Ray HARRYHAUSEN, à qui l'on doit nombre de films marquants du genre, a disparu à l'âge de 92 ans le 7 mai 2013. On avait déjà évoqué son producteur attitré, décédé il y'a quelques années: 

On reviendra sur sa carrière prochainement.


mercredi 17 avril 2013

D'EXPERTES SINGERIES




Alors que la nouvelle mouture de LA PLANÈTE DES SINGES (RISE OF THE PLANET OF THE APES) n'a récemment offert aux spectateurs que des personnages virtuels, on se propose de revenir sommairement ici sur l'évolution des costumes concrets créés pour incarner les singes au cinéma.

L'homme a toujours été fasciné par les grands singes, en lesquels il reconnaissait une sorte de caricature non encore sortie de l'état de nature, avant qu'il ne réalise pleinement, non sans un certain effroi, leur parenté commune - qu'on se souvienne de l'émoi suscité par la publication de L'ORIGINE DES ESPÈCES par Charles DARWIN, nombre de croyants, enclins à une lecture littérale de l'Ancien testament, ayant estimé que cette théorie contredisait le récit de la Genèse et la création de l'homme à l'image de Dieu.


De l'homme, "le singe nu" au (faux) singe en complet veston (dans THE MONKEY TALKS), le cinéma aime jouer avec le franchissement transgressif de la frontière entre des espèces dont la génétique revèle une proximité plus importante que celle que le genre humain est spontanément prompt à reconnaître.

Cette ambivalence, associant similitude anthropomorphique et image de sauvagerie exacerbée telle que la fiction la présente, fit du grand singe, et tout particulièrement du Gorille, un acteur tout désigné pour pimenter les récits d'aventure populaires et susciter l'épouvante, alors que les pitreries simiesques se prêtent quant elles à la comédie, et peuvent même participer de la fantaisie, avec notamment les singes volants du MAGICIEN D'OZ ( THE WIZARD OF OZ ).


Face à Laurel et Hardy, Charles GEMORA interprète le Chimpanzé - qui a tout du gorille ! - en 1932 dans PRENEZ GARDE AU LION (THE CHIMP). 


DE BRILLANTS PRÉCURSEURS

Le cinéma ne tarda pas s'emparer de cette figure. Significativement, certains des premiers films se saisissent de la thématique de l'évolution en rappelant le cousinage entre les espèces. En 1908, THE MONKEY MAN met pour la première fois en scène un savant s'appliquant à échanger le cerveau entre singes et cobayes humains. Plus explicitement encore, THE DOCTOR'S EXPERIMENT, OR REVERSING DARWIN'S THEORY, démontre la même année que l'expérimentateur est capable de faire régresser des êtres humains à l'état simiesque (ce qu'on retrouvera des années plus tard dans une scène mémorable d'AU DELÀ DU RÉEL de Ken RUSSELL (ALTERED STATES) - évoquée dans l'hommage consacré à ce dernier en novembre 2011). L'année suivante, une comédie française dont le titre original n'est pas connu, AN APISH TRICK, montre l'altération simiesque des traits d'un homme à qui l'épouse a injecté du sérum prélevé sur des singes. Le film BLIND AGAIN ( 1922 ) fait aussi apparaître un homme-singe dans le laboratoire d'un sinistre expérimentateur.

Le procédé le plus évident pour figurer des singes à l'écran est d'utiliser des animaux dressés par des spécialistes, mais il n'est pas pour autant aisé d'obtenir d'eux tout ce qu'un scénario peut nécessiter. Willis O'BRIEN a l'idée d'utiliser en 1915 un petit modèle animé image par image pour représenter un préhominien simiesque dans THE DINOSAUR AND THE MISSING LINK produit par Edison. Il développera la technique et s'en servira pour donner vie au plus célèbre Gorille du cinéma, celui, gigantesque, de KING KONG. Ray HARRYHAUSEN, après avoir assisté O'BRIEN sur le Gorille géant de MIGHTY JOE YOUNG, recréera aussi de la sorte un singe non anthropomorphe très crédible, le Babouin de SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE (SINBAD AND THE EYE OF THE TIGER). Ce procédé a pour inconvénient de nécessiter beaucoup de temps pour l'animation, et de ne pouvoir combiner le sujet avec les acteurs que longtemps après le tournage. Il existe évidemment une méthode plus simple, celle de faire appel à un acteur dans un costume.


Ray "Crash" CORRIGAN, emporté par son personnage, semble exprimer une certaine divergence de vue avec le metteur en scène engagé pour le diriger...

On aurait tort de croire que les gorilles vus dans les films anciens ne faisaient appel qu'à de simples costumes d'Halloween vendus par les magasins spécialisés en masques, farces et attrapes. Sur MONKEY TALKS ( 1927 ), un drame sentimental prenant pour cadre le milieu du cirque à la manière de LA MONSTRUEUSE PARADE ( FREAKS ), dans lequel un dresseur de lion jaloux remplace à l'insu d'une jeune fille son partenaire, un nain déguisé en singe, par un vrai animal dangereux, le costume a été conçu par un grand professionnel, le maquilleur Jack PIERCE, futur auteur, notamment, des fameuses transformations de Boris KARLOFF en créature de Frankenstein et en momie. L'un des tous premiers maquilleurs, Cecil HOLLAND, transforma aussi Bull MONTANA en Homme-singe dans LE MONDE PERDU.

THE MONKEY TALKS, un des premiers maquillages conçus par Jack PIERCE, le premier maquilleur consacré par Hollywood et le principal fondateur de la discipline.

Cependant, la plupart des interprètes de singes des premières décennies du cinéma se chargeaient eux-mêmes de leur déguisement. Le plus célèbre d'entre eux est Charles GEMORA, acteur d'origine philippine, initialement portraitiste œuvrant à proximité des studios Universal après avoir été spolié par son frère aîné de son héritage agraire. Il fut engagé pour dessiner et construire les décors de NOTRE-DAME DE PARIS ( THE HUNCHBACK OF NOTRE-DAME ) et du FANTÔME DE L'OPÉRA ( THE PHANTOM OF THE OPERA ), et se prit de passion pour les grands singes lorsqu'il fut amené à en concevoir un pour THE GORILLA en 1927. Sa petite taille lui permettait de se faire passer pour un vrai singe l'année suivante dans THE LEPOARD LADY. Pour l'adaptation de l'enquête policière d'Edgar Allan POE DOUBLE MEURTRE DANS LA RUE MORGUE ( MURDERS IN THE RUE MORGUE ) en 1932, il n'est cependant principalement filmé que de dos, et un vrai chimpanzé est utilisé pour les gros plans. Il interprète aussi un singe dans de nombreuses comédies au côté de Laurel et Hardy, d'Abbott et Costello ou encore des Marx Brothers, ainsi que de nombreux autres films. Il reste par ailleurs très connu des amateurs de science-fiction en tant que concepteur et interprète du Martien brièvement aperçu dans l'adaptation de LA GUERRE DES MONDES (WAR OF THE WORLDS) de Byron HASKINS, ainsi que de l'extraterrestre de I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE. Il décède d'une crise cardiaque en août 1961 alors qu'il était chargé de réaliser les maquillages du film JACK LE TUEUR DE GÉANTS ( JACK THE GIANT KILLER ) de Nathan JURAN.


Charles GEMORA dans THE MONSTER AND THE GIRL (1941), un drame réalisé par Stuart HEISLER; comme dans LA POUPÉE SANGLANTE de Gaston LEROUX, le cerveau d'un innocent est transféré dans un autre corps, en l'occurrence celui de ce gorille, pour rétablir la justice.

Jason BARNETT, maquilleur et interprète de monstres (série BUFFY ET LES VAMPIRES) a récemment entrepris de constituer un fonds documentaire sur Charles GEMORA; un article et un petit montage sont visibles à cette adresse : http://www.kickstarter.com/projects/1816447378/charlie-gemora-genius-monkeyman



GEMORA a eu de nombreuses émules. Un autre interprète célèbre est Raymond BENARD, connu sous le nom de scène de Ray "Crash" CORRIGAN, par ailleurs acteur de westerns et du sérial FLASH GORDON. Il incarne notamment le féroce gorille de TARZAN, L'HOMME SINGE (TARZAN OF THE APES) réalisé en 1932 par W.S. VAN DYKE, auquel les pygmées sacrifient leurs prisonniers, préfigurant l'imagerie qui triomphera l'année suivante avec KING KONG. Il joue au côté de Boris KARLOFF dans THE APE (1940), film dans lequel un scientifique se fait passer pour un gorille évadé auquel il tente de faire endosser ses méfaits expérimentaux, puis de Buster CRABBE, l'interprète du rôle-titre du sérial FLASH GORDON, y incarnant un gorille amoureux d'une jeune fille dans NABONGA (1944), avant d' interpréter deux gorilles blancs, dans THE WHITE GORILLA (1945) puis THE WHITE PONGO (1946). Tout en continuant d'apparaître au cinéma ( incarnant en 1958 le prototype du monstre d'ALIEN pour IT! THE TERROR FROM BEYOND SPACE ), il se consacre de plus en plus à son projet de parc d'attraction, Corriganville, qui ouvre en 1949, après, sentant venir l'âge, avoir vendu l'année précédente son costume de singe à un aspirant acteur, Steve CALVERT ( de son vrai nom William SEEGER ), auquel il enseigne son art. Ce dernier apparaît ainsi costumé dans JUNGLE JIM au côté de Johnny WEISSMULLER, le plus célèbre interprète de TARZAN. Il incarne ensuite des singes dans de nouveaux films utilisant le ressort de l'évolution, tel BRIDE OF THE GORILLA (1951), dans lequel l'acteur Raymond BURR est victime d'une malédiction le changeant chaque nuit en gorille suite à un crime passionnel, et la comédie BELA LUGOSI MEETS A BROOKLYN GORILLA (1952), sorte de version humoristique de L’ÎLE DU DOCTEUR MOREAU dans laquelle le célèbre acteur hongrois interprète un scientifique jaloux faisant régresser son rival amoureux à l'état simiesque. Il connaît une triste mésaventure sur la série télévisée SUPERMAN avec George REEVES dans le rôle-titre; ayant pulvérisé un spray couleur argent sur son costume à la demande des producteurs qui désiraient qu'il incarne un gorille albinos, il voit le caoutchouc être rongé et la tête partir en morceaux!.. Son cachet passera intégralement dans la fabrication d'un nouveau masque. Suite à un accident vasculaire, CALVERT termine sa vie active comme charpentier. Il convient aussi de citer George BARROWS, qui est apparu en gorille dans des films comme BLACK ZOO (1963), dans l'intrigue policière GORILLA AT LARGE (1954) ou encore dans le fameux ROBOT MONSTER de 1953 ( un robot extraterrestre finalement affublé d'un corps velu pour des raisons d'économie ), et dans des séries télévisées comme LA FAMILLE ADAMS ( THE ADDAMS FAILLY ). Emil VAN HORN a quant à lui eu une carrière marquée par une certaine infortune : interprétant le gorille d'un savant-fou, joué par Bela LUGOSI qui s'est lui-même partiellement changé en singe, dans THE APE MAN ( 1943 ), il n'est pas mentionné à l'affiche des autres productions dans lesquelles il apparaît, tels les sérials d'aventures JUNGLE GIRL et PERILS OF NYOKA, et finit dans la pauvreté après le vol de son costume de gorille. On se doit encore d'évoquer Janos PROHASKA, qui a incarné de nombreux monstres dans les séries télévisées, incluant un singe albinos cornu, le Mugato, dans STAR TREK ( réminiscent de l'"orangapoïde" incarné par Bull MONTANA dans le sérial FLASH GORDON ) et plusieurs fois joué de "vrais" singes comme celui du célèbre épisode L'HOMME AU SIXIÈME DOIGT ( THE SIXTH FINGER ) d'AU-DELA DU RÉEL ( THE OUTER LIMITS ) portant sur des expérimentations inspirées par l'évolution, y compris au cinéma en 1971 dans la séquelle LES ÉVADÉS DE LA PLANÈTE DES SINGES ( ESCAPE FROM THE PLANET OF APES ); enfin, Bob BURNS, célèbre comme Forest ACKERMAN pour sa collection d'accessoires provenant de films fantastiques, a aussi endossé le costume de gorille dans des productions le mettant notamment face à des super-héros. Les génériques étant souvent incomplets, les historiens du genre en sont parfois réduits aux spéculations pour nommer les interprètes de divers gorilles à l'écran, comme pour les apparitions de l'athlète grec George KOSTONAROS, seulement reconnu officiellement pour son incarnation de la créature semi-simiesque créée à des fins vengeresses de THE WIZARD (1927) d'après le roman BALAOO de Gaston LEROUX. On pourrait encore ajouter à cette liste de ces interprètes de l'ombre le nom d'Art MILES, dont le masque reproduisait les traits d'un orang-outan, apparu notamment dans le remake de THE GORILLA aux côtés de Bela LUGOSI.


Les principaux interprètes de gorilles de "l'âge classique du cinéma", de gauche à droite, en haut, Charles GEMORA, Steve CALVERT, George BARROWS, et au-dessous, Ray CORRIGAN et Emil VAN HORN.

Ces acteurs s'efforcèrent de perfectionner leur costume pour se rapprocher le plus de la réalité, et n'hésitaient pas à passer des heures au parc zoologique pour observer leurs modèles et saisir leurs attitudes. Charles GEMORA est probablement le premier à avoir utilisé un nouveau matériau, la mousse de latex, dans le cadre des effets spéciaux de maquillage. Il façonna la tête du gorille à partir d'un moulage de l'interprète pour une meilleure adéquation et enduisit de noir le pourtour des yeux pour estomper le raccord avec le masque, dont il fit fabriquer l'armature articulée. Après avoir dans un premier temps mis un rembourrage ordinaire dans son costume pour pallier à son allure malingre et se rapprocher de la corpulence d'un gorille, il opta finalement pour une outre remplie d'eau permettant de restituer le mouvement naturel du ventre du grand singe. Il construisit aussi une seconde paire de bras au poing fermé en prolongement des siens, sur lesquels prendre appui, de manière à pouvoir se déplacer comme un gorille dans certaines prises. Emil VAN HORN employa de la même manière une armature en métal pour l'ouverture de la gueule et des prothèses pour allonger les avants-bras. La tête pouvait aussi être capable de dilatation des narines, comme celle portée par Steve CALVERT. La méthode la plus simple consiste à employer une poche de caoutchouc reliée à un tuyau et à une poire; comme le précise Chris CASTEEL dit "The Mighty Bongo", qui interprète le gorille dans des petites productions récentes comme THE RETURN OF NYOKA THE JUNGLE GIRL, cette vessie, attachée à l'intérieur du visage derrière les narines, pousse celles-ci lorsqu'elle se gonfle. Les interprètes comme Steve CALVERT qui étaient amenés à effectuer des cascades périlleuses privilégiaient cette solution. "L'homme-gorille" nous a également précisé, toujours suite à la fort aimable entremise de Mark COFELL ( sur le site duquel on trouvera bien d'autres informations se rapportant aux interprètes en costumes de la période : http://www.hollywoodgorillamen.com/ ), qu'il existait aussi un procédé mécanique utilisant une tige actionnée par la lèvre supérieure, agissant sur une petite plaque de métal insérée dans l'espace des narines en caoutchouc, les tirant de manière à simuler l'apparence d'un reniflement.


Tête de gorille portée par Steve CALVERT, montrant l'impressionnante mâchoire.

Mécanisme articulé équipant la tête d'un interprète de gorille permettant de lui donner les proportions et la mâchoire du singe anthropoïde.


L'AGE CLASSIQUE FORGÉ EN 1968 

En 1968, la création de costumes de singes devient l'objet d'une attention toute particulière à l'occasion de deux grandes productions, 2001 L'ODYSSÉE DE L'ESPACE (2001 SPACE ODYSSEY) et LA PLANÈTE DES SINGES (PLANET OF THE APES). Pour LA PLANÈTE DES SINGES de Franklin SCHAFFNER, célèbre fable futuriste inspirée du roman de Pierre BOULLE voyant nos plus proches parents nous supplanter, le maquilleur Ben NYE (qui a dans le domaine fantastique oeuvré sur LA MOUCHE NOIRE (THE FLY) et THE ALLIGATOR PEOPLE) commence à travailler avec son assistant Dick SMITH (homonyme du maquilleur de L'EXORCISTE) sur le concept de plusieurs prothèses mobiles associées, mais est d'avis comme le studio Twenty Century Fox qu'un artiste plus expérimenté dans les prothèses serait plus approprié, d'autant plus que la tâche est considérable. Alors que Bud WESTMORE (L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR/THE CREATURE FROM THE BLACK LAGOON) est pressenti, le jeune apprenti Tom BURMAN indique que les nombreuses transformations de visage d'acteurs du film LE DERNIER DE LA LISTE (THE LIST OF ADRIAN MESSENGER), n'est pas tant à porter au crédit du célèbre maquilleur qu'à celui de son collaborateur John CHAMBERS, ce qui amène aussitôt Ben NYE à contacter et engager ce dernier. Le maquilleur John CHAMBERS, qui se voit ainsi confier la responsabilité de l'atelier de maquillage de LA PLANÈTE DES SINGES, reprend en l'affinant durant les six mois de préparation l'idée de composer le visage de ses singes en utilisant deux prothèses pour le rendre plus mobile, l'une constituant le front, les arcades sourcilières et le museau, la seconde formant un menton indépendant. Un fond de teint est appliqué sur l'acteur afin d'obtenir un raccord satisfaisant. L'équipe de CHAMBERS utilise une peinture permettant la transpiration de l'acteur. John CHAMBERS met au point un mélange d'alcool et d'acétone capable de dissoudre les résidus de colle et de désinfecter les prothèses de manière à pouvoir les réutiliser sur des figurants au second plan.

La pose d'un masque en deux parties sur le tournage de LA PLANÈTE DES SINGES sur un interprète, et l'aspect final des créations de John CHAMBERS, illustré par le principal protagoniste simien incarné par Roddy McDOWELL.


Un masque de gorille moins sophistiqué destiné à être porté par des figurants placés à l'arrière-plan.

On peut voir des photographies rares des essais des costumes du film en suivant ce lien : 
http://planetoftheapes.wikia.com/wiki/Planet_of_the_Apes_Concept_Art_%26_Costume_Tests

Pour le prologue de 2001 L'ODYSSÉE DE L'ESPACE de Stanley KUBRICK montrant l'évolution de nos lointains ancêtres sous l'impulsion d'une force extraterrestre, Stuart FREEBORN, décédé récemment (voir l'article précédent), réalise 35 costumes avec son collaborateur Colin ARTHUR. Des Néandertaliens avaient été initialement envisagés pour la séquence, mais le souhait d'occulter leur nudité a finalement conduit à leur préférer des Australopithèques simiesques (et velus aux endroits problématiques). FREEBORN perfectionne particulièrement l'animation de la bouche. Une petite tige manipulée avec la langue en commande l'ouverture, et le mécanisme des mâchoires est équipé d'élastiques fermant automatiquement la bouche, dispositif complété par le placement de petits aimants dans les lèvres pour achever la fermeture. Stanley KUBRICK se montra tant satisfait du résultat qu'il chercha à faire croire qu'il s'agissait de véritables animaux, illusion complétée par l'utilisation d'un bébé chimpanzé : il aurait ainsi paradoxalement œuvré pour que la distinction accordée cette année aux meilleurs maquillages aille au film concurrent, LA PLANÈTE DES SINGES. FREEBORN fut d'autant plus déçu de ne pas voir ses mérites récompensés qu'il suspecta l'équipe de CHAMBERS de s'être inspirée de son travail, étant donné qu'après avoir été approché par des collaborateurs du film de Franklin SCHAFFNER, une de ses têtes de singe disparut. Selon son collaborateur Nick MALEY, c'est cependant la présence d'un dispositif mécanique sur la face des singes qui aurait dissuadé le jury d'accorder la distinction à Stuart FREEBORN; il est vrai que la qualité de maquilleur de Rob BOTTIN avait aussi été contestée à l'occasion de THE THING, comme évoqué récemment, et c'est en effet pour des raisons similaires que Rick BAKER avait failli ne pas obtenir l'oscar du maquillage pour LE LOUP-GAROU DE LONDRES (AMERICAN WEREWOLF IN LONDON).


infrastructure de la tête.



C'est d'ailleurs Rick BAKER qui entreprit de mener à son terme la recherche de perfection pour obtenir le singe au réalisme le plus abouti.

A SUIVRE.